Le texte
suivant est un extrait du chapitre « Les Polaires: des occultistes français se rallient à la croix gammée
bouddhiste » du livre « HITLER-BOUDDHA-KRISHNA
- Une alliance funeste, du Troisième Reich à aujourd´hui «
Bouddhisme
tibétain et nazisme
Le
cas Jean Marquès-Rivière
L’une des figures les plus marquantes
de l’occultisme français fut Jean Marquès-Rivière
(1903-2000). Initié aux différentes pratiques du tantrisme tibétain,
orientaliste éminent et spécialiste hautement qualifié du sanscrit,
théoricien de la conspiration, antisémite fanatique, admirateur
enthousiaste de Hitler, chef de police au service des SS, producteur de
films de propagande raciste et organisateur de gigantesques manifestations
antisémites, il fut condamné à mort par contumace en France pour avoir
livré des Francs-Maçons et des Juifs à la Gestapo. Après la guerre, il
participa à la construction du monastère des lamas tibétains de Rikon en Suisse, devint ami du XIVe Dalaï
Lama et édita un livre consacré au Tantra du Kalachakra.
Sa vie et plusieurs de ses publications montrent d’une part que des
intellectuels de l’extrême-droite se sentaient attirés par le monde magique
et spirituel du lamaïsme (y compris en France) et d’autre part, que les
tenants du lamaïsme ne remettaient nullement en cause leur fréquentation
étroite avec ces représentants d’une vision fasciste, voire nazie du monde.
A l'ombre des monastères tibétains
Jean Marquès-Rivière
s'était intéressé dès ses treize ans aux enseignements de Gautama Bouddha. En tant que jeune homme, il
fréquentait les manifestations organisées par la Société de théosophie
et l'Association des Amis du
Bouddhisme. Quand, en 1925, une délégation tibétaine accompagnée de
plusieurs lamas vint à Paris, il saisit l'occasion pour faire la
connaissance avec l'un d'entre eux et obtint de lui quelques initiations
préparatoires qui lui permirent alors d'utiliser rituellement certains Mantras
(formules magiques) et certains Yantras (images). Le poète
Maurice Magre a décrit cette rencontre avec des
mots fleuris : « Un lama du Tibet était venu, il y quelques années,
enseigner sa religion aux Barbares d'Occident, il se serait étonné de
trouver, chez l'enfant qu'était alors Jean M. Rivière, une étonnante
facilité pour s'assimiler du premier coup les Hiérarchies des divinités
tibétaines, pénétrer le mystère de l'incarnation des Boddhisattvas. Car il
y a partout des types d'humains qui sont des étrangers parmi leur race. Tel
est Jean M. Rivière, il est né tibétain en dépit des lois de l'hérédité et
d'une succession de parents français. Aucun lama n'est venu l'instruire
dans son enfance. Il a retrouvé tout seul les habitants, les croyances, la
sagesse de la patrie où son âme véritable est née. » (1)
Marquès-Rivière était un membre actif
des Polaires. Lui-même et Maurice Magre
composèrent des commentaires pour la première édition de Asia Mysteriosa.
(2) Il parle
aussi du fait que les anciens sites d'initiation de l'occultisme de
l’Europe se sont dissous au plus tard au 17ème siècle. Les derniers représentants
de ces centres auraient émigré vers l'Orient et plus spécialement pour le
Tibet et y auraient érigé de nouveaux centres. Maintenant, ces sages se
manifestent notamment à travers l'Oracle des Polaires et
redeviennent ainsi actifs en Europe. (3). Le mot d'ordre de l'Oracle à ses
membres résonne ainsi: « Formez le Groupe des Polaires et faites-lui
parcourir le Monde. » (4)
En 1928/1929, Marquès-Rivière
publia quelques articles sur le Bouddhisme dans la Revue Théosophique et
plus spécialement sur le Bouddhisme tantrique. A la même époque, il fit paraître un roman
intitulé À l'ombre des monastères thibétains. Il s'agit d'une biographie
fictive quelque peu autobiographique. Maurice Magre,
dans sa préface, affirme que l'auteur « a appris la langue thibétaine pour s'initier à cette littérature
religieuse, d'une prodigieuse richesse et dont nous ne connaissons que
quelques fragments. » Puis Magre va parler
des sites d'initiation au Tibet: « C'est au Thibet
que vivent, dit-on, les sages qui ont le pouvoir de prolonger la durée de
la vie, et qui possèdent dans leurs archives, l'histoire de l'Atlantide et
de la Lémurie, et aussi l'histoire de l'humanité
future dont ils ont la vision par clairvoyance. C'est au Thibet qu'est la mystérieuse Cité de Shambhala, la ville des sages, c'est au Thibet qu'est le Roi du monde. » (5)
Le héros de l'histoire est un Européen
qui se décide à devenir lama. Il va dans l'Himalaya et y reçoit plusieurs
initiations. Avec une connaissance étonnante, le jeune auteur parle ainsi
de ses « expériences de la kundalini »:
« Je sens alors le feu qui
se développe en moi. Le serpent de l'Initiation, la kundalini,
déroule ses redoutables anneaux et cette puissance formidable se réveille,
genèse occulte de toute magie et principe de toute Initiation. » (6)Plus loin, le livre parle de
l'identité personnelle de l'élève et du guru; de la puissance de
commandement qui permet aux lamas de commander aux dieux et aux démons,
mais aussi du goût des « monstres de l'astral qui se complaisent dans
le sang, la pourriture des chairs et l'agonie des hommes. [Mais] devant les
glaives flamboyants des magiciens, ils sont devenus des serviteurs dociles
et ils attendent les ordres secrets des prêtres. » (7)
Nous apprenons à travers plusieurs
passages comment ces magies de lamas évoquent les « dieux du
cauchemar. » « C'est la danse hiératique et lente des monstres de
l'Orient, celle que répètent les moines dans certaines cérémonies occultes
et qu'ont conservé les bayadères des temples brahmaniques … » Mais
pour rendre ces « êtres invisibles » (les bkah-od)
obéissants, il faudra les nourrir avec du sang et des énergies vitales. (8)
Le livre atteint son sommet quand
arrive la présentation du « Roi du monde », le maître de
tous les maîtres. « Sache que règne sur toute la Terre et au-delà le Lama
des Lamas, celui devant lequel le Tashi Lama
(Panchen Lama) lui-même courbe la tête. Celui que
nous appelons le Maître des trois mondes. Son royaume terrestre est caché
et nous autres de la 'Terre des Neiges' nous sommes Son peuple. Son royaume
est pour nous la Terre promise, Napamakou,
et nous portons dans notre cœur la nostalgie de cette contrée de Paix
et de Lumière », voilà ce que dit un vieux lama dans le roman et il
continue: « Immuable, Il règne sur le cœur et l'âme de tous les
hommes. Il connaît leurs pensées secrètes et aide les défenseurs de
la Paix et de la Justice. » (9)
Alors le lecteur apprend que le Roi
de monde était d'origine occidentale et qu'il avait régné « sur
une montagne entourée de grandes forêts ». Son emblème de majesté
était un svastika sur laquelle se trouvait une Fleur. « Mais
les cycles noirs ont chassé le Maître de l'Ouest et Il est venu en
Orient chez notre peuple. Il a alors effacé la Fleur et le svastika
seul demeure, symbole du pouvoir central du 'Joyau du Ciel'. Sa
toute-puissance nous protège mais les lois inexorables des choses nous
dominent et devant les cycles sombres, il faut se cacher et
attendre. » (10) Car un jour, dit le texte, les « barbares envahisseurs »
occuperont le pays et détruiront l'État des lamas. « Pour sauver la
Tradition éternelle de la profanation possible, nous fuirons devant les
envahisseurs du Nord et du Sud et cacherons à nouveau nos écrits et notre
Doctrine », voilà ce qu'annoncent les prophéties. (11)
Une fois par an, le Roi du monde, de
sa cachette, envoie un messager à Lassa pour y instruire le Dalaï Lama. Ce messager a des traits caucasiens, ce qui
indique bien qu'il s'agit d'un 'Aryen'. (12) Pour Marquès-Rivière,
le Dalaï Lama est une sorte de manifestation
extérieure du roi du monde. « Je sais que la constitution politique du
Tibet est intimement liée à la constitution religieuse et que certains
secrets métaphysiques et politiques ne sont pas sans un certain rapport
occulte. » (13) A côté des « secrets politiques », il voit
aussi une sorte de Service secret magique des lamas: « Lhasa tient certains fils en mains, possède certaines
oreilles, aussi bien au Sud qu'au Nord, qui pourraient peut-être un jour
étonner Moscou ou le Foreign Office … Je connais
maintenant les raisons d'être de certains pèlerinages, de certaines
ambassades, de certains monastères; mais je n'en dirai pas plus car je ne
veux pas trahir mes amis et mes Maîtres. Il y aura des surprises un jour,
en Orient, et des nations européennes jouent peut-être actuellement le rôle
de dupes et de simples instruments entre les doigts aux longs ongles
soignés de certains Lamas. Le jaune connaît le blanc et a vite appris à
l'apprécier afin de s'en servir un jour. » (14)
En ce qui concerne le palais du Potala,
la résidence du Dalaï Lama, l'auteur le décrit
comme un magnifique temple de mystères: « Là réside le représentant
spirituel de la plus haute doctrine et du plus puissant ésotérisme que je
connaisse. Celui qui est dans ces murs possède des pouvoirs dont j'ai déjà
entrevu les effrayantes possibilités. Et je sais aussi qu'il y a d'autres
mystères, d'autres choses occultes plus redoutables encore qui ne sont
révélées qu'aux vieux lamas déjà parvenus au seuil de la mort... » (15)
Le héros du roman est reçu au Potala par douze conseillers (Nom Kan')
du Dalaï Lama pour tester son aptitude
spirituelle. Ils ont « le nez droit et la finesse de la race
aryenne. » (16) Celui qui va être initié est rempli d'admiration
devant ces connaissances exceptionnelles que possèdent les Nom Kan' des
sciences occidentales. Ils parlent avec nonchalance de Kant, Bergson et
Freud. Les théories physiques les plus avancées peuvent déjà être lues chez
eux dans d'antiques manuscrits. Marquès-Rivière
voit dans cette assemblée de Nom Kan'
la fine pointe d'une organisation secrète « qui couvre tout
l'Orient et l'unifie spirituellement et certainement aussi politiquement
malgré les divergences secondaires de race, de croyance, de
religion. » (17) Ces potentats du Potala reconnaissent que le héros du
roman (auquel s'identifie l'auteur) possède de grandes possibilités
spirituelles mais qu'il doit encore, pendant plusieurs années, se consacrer
à l'étude des sciences occultes.
Le héros rend aussi visite à l'Oracle
d'État (Nechung) du Dalaï
Lama qui, dans une séance de transe, prédit la grande guerre (le texte fut
publié en 1929): « Je vois … je vois … des peuples, des peuples armés
et qui crachent le feu sur la terre, dans la mer et dans les airs … et il y
a du sang, des flots, des torrents de sang … et cette mer rouge pourrit …
Je vois les infections engendrées de cette pourriture. La maladie, la
famine, la mort … et les grands démons du septième enfer sont déchaînés …
ils se précipitent vers les lieux de pourriture et ce sont de plus grandes
famines et de plus grandes misères … et puis, du sang à nouveau et les
nations sont disparues … La terre tremble et les océans se
déplacent ». (18) L'humanité serait menacée, selon les connaissances
de la « métaphysique jaune », par de soi-disant influences
errantes. « Les peuples qui n'ont plus de conducteurs éclairés, de
Sages pour les guider, sont soumis aveuglément à ces courants, à ces
tempêtes invisibles et les dieux de proie, ceux qui vivent de la chair et
du sang des peuples, des dieux qui poussent à la guerre, à la domination, à
l'asservissement, les ennemis mystérieux de l'humanité se hâtent de
préparer leurs festins démoniaques. » (19)
Le roman se réfère aussi au royaume
mythique du Shambhala qui est
présenté comme un État de guerriers « où plane encore le souvenir du
Dieu de la guerre, Gengis Khan. » (20) Le héros du roman est alors
abordé par un messager venu de ces mystérieuses contrées cachées avec les
mots suivants: « Je suis, mon Fils, un envoyé du Royaume de la vie; notre
monastère est l'immense univers aux sept portes d'or; notre Nation est
au-dessus et au-dessous de la terre; notre Royaume est dans les trois
mondes de ce cycle. » (12) D'après Zam Bhotiva, Marquès-Rivière
aurait eu lui-même le message suivant de la part de son guru tibétain:
« Dans ton sombre Occident, tourne tes pensées vers Lap-chi-kang (nom tibétain de l'Himalaya). Là veillent les
Gardiens de la race humaine. Médite sur eux, médite sur les dieux de
l'Himalaya; ils te seront alors visibles. » (22)
Le héros (peut-être Marquès-Rivière)
était feu et flamme et reconnut: « J'appris les liens secrets entre la
Doctrine philosophique et la constitution politique du Thibet.
Les trois aspects de l'universelle Science: la Science Théurgique, la
Science Spirituelle, la Science Physique et Matérielle sont représentés par
les Trois Centres de Force qui dominent le Thibet
de leur écrasante splendeur et de leur redoutable puissance. Le Tashi Lama (Panchen Lama) qui
commande aux Dieux et aux Démons, qui allume les flammes d'Or devant les
statues des Ancêtres par son seul pouvoir magique; le Dalai
Lama qui reflète la pure spiritualité, la métaphysique calme et lumineuse
de l'Asie; le Bogdo Khan, le Prince de la
Mongolie du Nord, puissante influence guerrière et surveillant des sociétés
militaires et secrètes de toute l'Asie. » (23) En 1929, cette même
année où fut publiée cette Tibet-Story, Marquès-Rivière
composa un commentaire sur Asia Mysteriosa, cet oracle des Polaires, dans
lequel il] vient à parler aussi d'un centre d'initiation secret à
partir duquel sont conduites toutes les activités spirituelles sur la
terre. (24)
Mais en 1930, il se passa quelque chose
de bizarre. Marquès-Rivière voulut publier, avec
comme titre Le Bouddhisme au Thibet, une anthologie de tous ses articles qu'il
avait fait paraître sur le Bouddhisme tibétain. Mais avant la publication,
il reprit de façon surprenante tous ses manuscrits et interdit à son
éditeur d'en publier quoi que ce soit. Cet événement se produisit peu de
temps après qu'il eut accompli des rituels secrets du bouddhisme tantrique
durant les quels il avait utilisé comme ingrédients du sang et de l'alcool.
Ces rituels étaient destinés pour invoquer des divinités tibétaines
colériques (même des démons). Marquès-Rivière se
sentit tellement possédé par ces êtres terrifiants que durant des jours, il
n'eut plus la force de les chasser. Sa possession mentale frisant quasiment
la folie se laisse voir dans les passages les plus remarquables d'un
commentaire de l'un des textes de l'Oracle des Polaires. Le démon
qui y est décrit, Kala-Nag (serpent noir), est comparé avec des dieux
ennemis tirés des cercles culturels indiens et chrétiens. Kala-Nag revêt pour nous un
intérêt spécial parce qu'il a beaucoup de ressemblances avec le démon Rahu, ce côté sombre de la divinité principale du
soi-disant 'tantra de kalachakra'. Voilà pourquoi
nous citons volontiers ce passage:
« Kala-Nag, mot sanscrit composé de Kala
et de Nag. Chacun de ceux-ci ayant des sens
multiples, il sera préférable de les étudier avant de donner une
interprétation totale. Kala, ou plutôt Kal, signifie l'Esprit Suprême envisagé comme
destructeur de l'univers; ce serait le Satan chrétien, mais plus grandiose
encore, car, à l'instar du Dieu Noir des Kabbalistes, il est un des aspects
du Démiurge. Il a un sens de mort, de destinée fatale; Kali, forme
féminine, a un sens de ténèbres, de nuit. C'est Parvati, femme de Shiva; et
pour ceux qui connaissent l'aspect de Shiva, son côté passif ne peut être
que terrible et redoutable, […] c'est une des soeurs
de Yama, le Dieu des Enfers et de la Mort. [Nag =
serpent] En lui-même, il n'a pas de sens maléfique, mais associé à Kala, le signe des Ténèbres, le sens devient
effroyable: c'est le Roi noir, le Satan, le principe de différenciation par
excellence. Il paraît, selon un étrange symbole de la communication, que
c'est un être humain. Donc, le sens
total du mot sanscrit paraît s'appliquer à un être humain exceptionnellement
mauvais, tel l'Antéchrist de l'Apocalypse. » (25)
Celui qui un jour a jeté un coup d'œil
dans le monde des horreurs des démons protecteurs tibétains (Dharmapala) peut aisément s'imaginer à quelles
circonstances cauchemardesques était exposé l'auteur. (26) Sans succès, il
chercha protection auprès de plusieurs personnes. Ce n'est qu'après
l'intervention de Joseph de Tonquédec, exorciste
réputé alors à l'archevêché de Paris, que les 'démons' tibétains l'auraient
délaissé. Bien des années plus tard, il a prémuni une élève contre les
dangers des tantras bouddhistes en l'appelant à la plus grande prudence,
le tantrisme serait « une
technique délicate et dangereuse, comme celle des drogues, des danses
rythmiques, des sons. Toutes ces techniques corporelles et matérielles sont
lourdes, équivoques et redoutables. […] La voie tibétaine est faite pour
les Tibétains. Le Bouddhisme tibétain est chamanique et empreint d'une
magie lourde et efficace. Ce mélange de chamanisme et de tantrisme ne
convient pas aux Occidentaux qui se sentent absolument ‘ perdus’ dans
ce monde de forces psychiques souvent dangereuses et qui leur sont
étrangères. » (27) Lui-même, comme nous le verrons, ne s'en est pas
tenu à ces recommandations.
Après ses expériences de frayeurs
tantriques, Jean Marquès-Rivière retourna d'abord
dans le sein de l'Église Catholique Romaine et publia dans la revue Voile
d'Isis un article pro-chrétien dans lequel il suggère que le
christianisme offre autant de techniques d'initiation efficaces que le
lamaïsme. (28) En 1931, il publie Le Bouddhisme au Thibet.
Contrairement à la première
édition (non publiée), il ajoute ici des passages qui disent juste le
contraire de son premier jet pro-lamaïste. Le côté magique et quasi
démoniaque du tantrisme, dit-il, mélangé aux superstitions locales, aurait
pris tout le Tibet en otage. (29) En résumé, les sages lamaïstes sont
devenus maintenant des païens malheureux qui doivent être convertis de
manière urgente au christianisme. (30)
Mais cela aussi devait encore changer!
Car entre-temps, Marquès-Rivière passa plusieurs
mois en Inde, tourna à nouveau le dos au christianisme et s'adressa à
nouveau au tantrisme. Il publia encore avant la guerre trois titres,
concernant ce sujet: L'Inde secrète et sa Magie, Le Yoga tantrique
hindou et thibétain, et Rituel de Magie
tantrique. Les trois livres montrent une claire connaissance des
sujets.
Chef de la police des sociétés secrètes
(S.S.S.) et collaborateur des SS.
En 1931, Marquès-Rivière
régla ses premiers comptes avec la Franc-Maçonnerie
alors qu'il était lui-même membre de la Grande Loge auparavant. Il
publia un écrit accusateur intitulé La trahison
spirituelle de la Franc-Maçonnerie. (31) En 1935,
suivit un deuxième livre intitulé : L'organisation secrète de la Franc-Maçonnerie. (32) Cette critique des Francs-Maçons
et son antisémitisme radical
facilitèrent, pendant l'occupation de la France, ses offres de
service aux Allemands car pour les Nazis, ces thèmes figuraient en tête de
liste. (33) Les loges maçonniques allemandes ne furent déjà plus reconnues
par les hommes de la SS avant la prise de pouvoir en 1933 et furent soumis
sous surveillance constante. En 1933, vint la première vague d'exactions
« anti-maçonniques » dans l'espoir de
forcer les Loges à se dissoudre par la terreur. Rapidement, des 'frères des
loges' disparurent dans les camps de concentration. Dès 1935, Jean Marquès-Rivière trouve des mots pour louer cette
brutale manière d'agir. (34)
Le chef SD Reinhard Heydrich avait
laissé se mettre en place la section des Francs-Maçons dans le ministère de
la sécurité du Reich. Là-bas, se trouvait en plus d'un fichier des membres,
un temple maçonnique complet à titre d'objet de démonstration, garni de
nombreuses têtes de mort. Pour Heinrich Himmler, les loges maçonniques
passaient pour être des organisations cachées de la juiverie mondiale. Et
pourtant il était attiré par cette ambiance occulte. Il avoua à son médecin
Felix Kersten: «
Les SS … ne sont rien d'autre qu'une
contre-loge bien que le Führer ne veuille pas l'admettre. Avec leur aide,
sans faire trop de remous, il peut aspirer à occuper toutes les positions
de commandement de l'État et du Parti. » (35)
Après l'occupation de la France par les
Allemands, le service de sécurité de Reinhard Heydrich vit que l'un de ses devoirs les
plus importants serait de « nettoyer » le pays de sa Maçonnerie.
Au N° 72 de l'Avenue Foch à Paris, on installa une cellule spéciale de la
Gestapo à cet effet. On y accusa la franc-maçonnerie de collaborer
étroitement avec les Juifs, les Anglo-saxons, le capitalisme, le communisme
et la Résistance. Les Loges furent visitées et dépouillées, les objets
rituels et les documents furent confisqués.
Le 13 août 1940, sous la pression des
Allemands, le Gouvernement de Vichy publia une loi qui interdisait toutes les
sociétés secrètes en France. Sous la surveillance du Professeur Bernard Fay, on créa quatre sections pour combattre ces
sociétés: le Service des Sociétés Secrètes ou S.S.S. sous la
direction de l'amiral Platon; le Service Spécial des Associations Dissoutes,
sous l'inspecteur Moerschell; le centre
d'Action et de Documentation, sous l'écrivain Henry Coston et le Service
de Police (S.P.S.S.) qui fut dirigé par Jean Marquès-Rivière
dès 1942 dans la zone d'occupation Nord. On confia ce poste à cet orientaliste
et occultiste renommé à cause de ses positions pro-nazis,
son antisémitisme et ses brochures sur la collaboration franco-allemande.
(36)
Parmi ces brochures se trouve un cahier
grand format de 22 pages qui s'intitule Les ouvriers et Hitler. Nous
y trouvons la confirmation d'un Jean Marquès-Rivière
agitateur politique. Le texte part du principe que toute la classe ouvrière
a été trompée par l'Internationale judéo-franc-maçonnique. Les
fonctionnaires des usines, de la social-démocratie et du parti communiste
sont les bras qui prolongent ce complot. En Allemagne par contre, Hitler et
les Nazis ont réussi le 'miracle' d'annihiler l'opposition entre les
classes. « C'était là le miracle que les masses et, avant tout, les
chefs syndicalistes avaient cru impossible, car ils pensaient que l'élan ne
pouvait venir que du dehors, de par le jeu naturel d'une conjoncture
florissante. Hitler accomplit le miracle. » (37) Entrepreneurs et
ouvriers travailleront ensemble, les deux étant les parties coopérantes dans une dynamique de société nouvelle.
Dans le chapitre: 'La foi d'Hitler - Développement et triomphe du
National-socialisme', il est dit: « Ainsi se forma en Allemagne, sur
le modèle du Führer suprême, une éthique nouvelle du travail, une nouvelle
confiance en soi, une nouvelle fierté grandit chez l'ouvrier allemand,
surtout dans la jeune génération, celle qui est passée par les
organisations de la jeunesse, le Service du travail et le Service
militaire. » (38) L'ouvrier allemand, continue Marquès-Rivière,
a confiance en l'État national-socialiste et dit publiquement: « Ce
que le Führer fait sera certainement bien. » (39) Cette nouvelle
orientation dans la classe ouvrière allemande fut dissimulée par la presse
juive d'avant-guerre. Au lieu de cela, elle annonçait que les Nazis avaient
réduit les ouvriers à l'état « d'esclaves ». Il est grand temps
maintenant que l'ouvrier français fasse confiance au national-socialisme et
qu'il se mette à collaborer pour construire une Europe nouvelle. (40)
Dans sa fonction de chef de police du Service
des Sociétés Secrètes, Jean Marquès-Rivière
édifia un imposant réseau de mouchards et d'informateurs (dont plusieurs
femmes) dans la zone occupée du Nord de la France. Il analysait tous les
documents accumulés et toutes les dénonciations, mit fin aux Loges et
confisqua les bureaux de leurs sièges. (41) Il commença avant tout par
identifier les membres des sociétés secrètes, les mettait sur listes et
exigeait une surveillance stricte de leurs activités. Il transmettait les
'cas suspects' aux autres instances de l'administration, concrètement
parlant soit à l'inspecteur de police Georges Moerschell
ou directement au SD par le SS Obersturmbannführer
Moritz. Le mal famé et peu scrupuleux Moerschell
était en contact permanent avec la Gestapo à qui il livrait Francs-Maçons
et Juifs. En tant que membre du Parti Populaire Français, Marquès-Rivière avait aussi un rôle à jouer dans la
Défense allemande. (42) Aussi le chef de la police des S.S.S. passait
auprès de ses collègues à Vichy pour être « un agent à la solde des
Allemands ». (43) Pas moins de 510 Francs-Maçons furent fusillés
pendant la guerre ou moururent dans les camps de concentration, bilan
auquel Marquès-Rivière a largement contribué.
(44)
L'historienne Dominique Rossignol le
classe avec justesse parmi les Ultras de la Collaboration parisienne. À
Paris, un groupe de collaborateurs avaient pris la propagande en mains et
ses membres, non sans un certain esprit de concurrence, exécutaient les
ordres qui venaient de Berlin. Ces hommes auraient été totalement
dépendants des forces d'occupation et auraient montré un attachement total
à la personne de Hitler. Par conviction, ils adhéraient entièrement aux
idéaux du Troisième Reich. (45) Une femme moucharde bien active et efficace
pour le S.S.S. fut l'auteur Jeanne Canudo qui
était, comme Jean Marquès-Rivière, ancienne
membre des Polaires. (46)
Le S.S.S. organisaient des conférences,
des colloques, des expositions; on imprima articles de presse, tracts,
affiches. En octobre 1940, Marquès-Rivière
organisa une exposition à Paris pour démasquer le complot
« judéo-maçonnique ». On installa dans le Rue Cadet un genre de
musée avec des objets confisqués et un « Centre d'histoire
contemporaine ». Là aussi se trouvait le siège de la Société
Asiatique dirigée par Marquès-Rivière. Toujours
est-il que trente-sept collaborateurs travaillaient dans ces institutions
qui avaient pour mission principale d'analyser des documents maçonniques.
En septembre 1941, s'ensuivit, avec sa
collaboration et sous sa direction, une autre exposition très agressive
ayant pour thème Le Juif et la France au Palais Berlitz. Avec l'aide de
l'ambassade allemande, on y installa un bureau technique qui, entre autres
travaux, était chargé de faire venir à Paris des matériaux d'une exposition
qui avait eu lieu à Rome sous le titre Le Juif errant, ainsi que des
objets provenant de Berlin et de Munich.
Devant le Palais Berlitz, on pouvait
voir un immense poster présentant un juif avide qui voulait s'emparer du
monde. L'image figurait aussi sur la couverture du catalogue. Au premier
étage de l'exposition, il y avait plusieurs sections: le juif en
caricatures, le juif errant, les perversions juives dans le cinéma, des
études morphologiques (disons plutôt
racistes). Au rez-de-chaussée, on pouvait lire, entre autres, le texte des
lois raciales de Nuremberg. Pour quitter l'exposition, on passait par deux
diaporamas: à gauche, l'un s'intitulait : « D'où viennent-ils? »
et montrait des maisons « 'juives' à moitié détruites et leurs habitants
« hébétés »; à droite, l'autre s'intitulait « Où vont-ils
arriver? » et montrait un magnifique château, propriété des Rothschild
et un Juif 'richissime' qui descendait d'une limousine. (47)
Affiche de
l'exposition ' Le Juif et la France ', au Palais Berlitz
En tant que rédacteur en chef, Marquès-Rivière éditait une revue mensuelle anti-maçonnique Les documents maçonniques, dont
la publication fut autorisée par les SS. Le terrible SD Chef Reinhard
Heydrich était mis au courant du contenu, de l'article de Jean Marquès-Rivière directement par le Obersturmbannführer Moritz. (48) Les Allemands
avaient décidé que Les documents maçonniques seraient distribués
gratuitement dans les écoles, les institutions publiques et dans les camps
de prisonniers. C'est pourquoi on tira quatre-vingt mille exemplaires lors
de la première parution.
Par la suite, l'infatigable chef de
police des S.S.S. rédigera le scénario d'un film spectaculaire de
conspiration intitulé Forces occultes. Le film obtint une très belle
subvention du côté allemand de 1 200 000 Frs et fut projeté pour la
première fois en 1943. Le journal Le Pilori du 18 mars 1943 publia
le communiqué de presse de ce film. Il y est dit qu'il voulait être un acte
politique voire révolutionnaire. Le peuple français aurait souffert depuis
70 ans sous « une anarchie démocratique. » L'élite du pays était
« enjuivée » depuis 20 ans et la bourgeoisie française aurait été
réduite qu'à n'être que les simples domestiques des Juifs. Avec Forces
occultes on allait libérer les premières énergies nécessaires pour les
durs et décisifs combats futurs (contre les maçons et les Juifs). Ce film
donnerait naissance à une révolution nationale; cette révolution se
définirait à l'extérieur comme une franche politique de collaboration, à
l'intérieur ce serait une politique de purification et de profond renouveau
des cœurs et des esprits. (49)
Jean Marquès-Rivière
partageait entièrement la vision du Reichsführer-SS
Heinrich Himmler qui pensait que les Francs-Maçons étaient le prolongement
des bras de « la juiverie mondiale ». Quand la Franc-Maçonnerie aura disparu, ainsi parlait le chef de
la police et l'expert en occultisme, alors il ne restera que « son
inspirateur, le Juif, que nous aurons traqué et qui, dépourvu de ses
tentacules politiques qu'étaient les loges, ne pourra plus ainsi jouer de
la chair et du sang des peuples. Le Juif, sans la Maçonnerie, perd beaucoup
de ses moyens; c'est pour la double tâche de combattre à la fois le Juif et
son serviteur, le maçonnique, que nous sommes réunis ici, dans cette sorte
de conseil de guerre aryen et dont les résultats, j'en suis sûr, seront
fructueux et décisifs. » (50) Mais Jean Marquès-Rivière
n'était pas uniquement actif sur le plan intellectuel. Il participait
personnellement aux arrestations, aux emprisonnements et aux persécutions
menées par son Service des Sociétés Secrètes. (51)
Son souhait d'alors était d'ériger un Musée
permanent des Sociétés secrètes. Il voulait sûrement avec une telle institution
non seulement faire « un
travail d'éclaircissement » mais aussi pouvoir se procurer
personnellement un accès vers un pouvoir politique occulte car, dans son Histoire
des doctrines ésotériques, on peut lire que les doctrines secrètes un
jour dirigeront la terre. (52) Mais pour lui, il ne s'agissait pas
uniquement des doctrines mais directement des dirigeants occultes qui,
d'après lui, interviendront comme hommes de l'ombre dans le destin de
l'humanité.
« Il existe des êtres humains en
qui reposent la Toute-Sagesse et la Toute-Puissance.
Selon les traditions asiatiques, ce sont des solitaires ignorés de tous,
isolés dans les abîmes neigeux et les places inaccessibles de l'Himalaya.
Et ainsi, à travers l'Asie, une immense Fraternité existe, dont nulle image
terrestre ne peut donner l'idée et à laquelle nulle description ne peut
s'appliquer. […] Les Êtres dont je parle ici, étant libérés, sont en
dehors ou au-dessus de la manifestation, et sont par conséquent
supérieurs aux dieux. » (53) A remarque que dans ce texte, Marquès-Rivière désigne « certains rituels
tantriques » qui permettent, quand on les pratique, d'interroger les
Êtres supérieurs.
Un tel complot de puissances invisibles
et de forces cachées correspondait bien à l'esprit de l’extrême droite de
l'époque qui flottait alors en Europe. Derrière les guerres visibles, se
déroule « une guerre occulte, la guerre menée dans l'ombre par ce que
l'on peut appeler, d'une façon générale, les forces de la subversion
mondiale, avec des moyens et dans des circonstances dont l'historiographie
courante ignore tout. » Pour reconnaître cela, il est exigé « une
vue tridimensionnelle de l'histoire qui, outre les deux dimensions de
surface comprenant les causes, les faits et les acteurs apparents, considère
aussi la dimension en profondeur , souterraine, où se meuvent des
forces, des influences, dont l'action est souvent décisive et qui ne
peuvent se ramener au seul plan humain, individuel ou collectif. »
(54)
Après la Libération de la France, Jean Marquès-Rivière alla, en 1944, avec les troupes
allemandes, vers l'Est, vraisemblablement avec des partenaires du Régime de
Vichy, à Sigmaringen (?). A cause de sa collaboration avec les Nazis, il
fut condamné à mort par contumace. Plus tard, on le verra faire des allers-retours
entre l'Asie et sa chaire d'orientaliste dans l'Espagne fasciste de Franco.
En Inde, raconte une élève, « il rencontra presque tous les Sages de
ce temps et de ce pays. » (55) On peut lire chez André Combes qu'il
aurait vécu quelque temps comme moine bouddhiste au Ceylan et qu'il mourut,
après une amnistie, à Lyon en 2000. (56)
Jean Marquès-Rivière
et le Kalachakra-Tantra
Jean Marquès-Rivière,
orientaliste et habitué de l'Inde, très apprécié par ses collègues
français, quelques temps membre du groupe
Les Polaires, antisémite fanatique sous le Régime de Vichy,
chef de police du malfamé S.S.S. (Service des Sociétés Secrètes ), '
limier ' des SS, condamné à mort par contumace en France après la guerre
pour avoir livré des Francs-Maçons et des juifs à la Gestapo, fut aussi
l'un des premiers avant-gardistes pour la diffusion en Occident du Kalachakra-Tantra. En 1985, il publia
chez Laffont à Paris un livre sous le nom de Jean M. Rivière « Kalachakra – Initiation tantrique du Dalaï
Lama. » (57)
Le Kalachakra Tantra et le Mythe du Shambhala,
qui
y est inclus, constituent un
texte sacré du Bouddhisme tibétain. "Kalachakra" , mot sanskrit, veut dire la « Roue du
Temps » et c’est aussi le nom du plus grand « Dieu du
Temps ». Le Kalachakra-Tantra
passe pour être, selon de nombreux
lamas, « le sommet du système bouddhiste ».
Depuis plus de
trente cinq ans, des centaines de milliers de personnes ont été “initiées”
dans le rituel du Kalachakra Tantra par le XIVe Dalai Lama. En public,
on présente ces initiations comme étant une contribution, digne et
exaltante, à la paix du monde et qui aidera à faire progresser la
compassion pour tous les êtres vivants, le dialogue interreligieux, la
tolérance entre les peuples et les races, la paix des cœurs, le
développement de l’esprit et la béatitude pour le troisième millénaire.
Mais celui qui étudiera le texte de plus près, s’apercevra bientôt qu’il ne
s’agit pas là d’un texte prônant la paix, mais d’une agressive prophétie
apocalyptique qui annonce un combat cosmique opposant les forces
bouddhistes du Bien aux religions non-bouddhistes qui représentent le Mal.
Il est particulièrement frappant de voir que plusieurs intellectuels
fascistes et nationalsocialistes se sont
approprié des idées du Kalachakra, parmi lesquels figure
Jean Marquès Rivière.
Son livre Kalachakra - Initiation tantrique du Dalai Lama résume de manière très claire les
contenus des Tantras, si bien qu’il se trouve cité dans toutes les listes
officielles de littérature consacrées à l’étude de ce rituel. Il est finalement empreint
d'une réelle authenticité car l'orientaliste qualifié et le sanscritiste
peut se recommander de son titre de « conseiller » auprès d'un
nombre assez impressionnant de lamas et de confrères. Pour faire ressortir
l'importance de cette assemblée, jetons donc un coup d'œil plus précis sur
la « nomenclature » des experts cités dans l'introduction du
livre. On y trouve, entre autres, le Dr Tsepak Rigzin, de la Bibliothèque des Archives tibétaines de Gangchen Kyishong de Dharamsala; M. Svetaslav Roerich de Bagalore, frère du
tibétologue bien connu, George Roerich; le Lama Geshe Rabten de Tharpa Choling, « qui m'a remis le mantra et le mandala
du Kâlachakra; je salue avec respect et dévotion
ce grand Guru tibétain »; le tibétologue Dr.
Lokesh Chandra; l'écrivain et voyageur du Tibet
Marco Pallis, « dont les suggestions et les
conseils m'ont été utiles »; du monastère tibétain de Sarnath, le Lama
Je Rinpoche Lobsang Tsondul,
grand spécialiste du tantrisme tibétain; de l'École des Ka.gyu.pa Nichang Rinpoche, Thubten Chodag et Lobsang Tenzin Rikha de l'Institut de
Culture tibétaine dans la Varansyeya Sanskrit University. Cette liste est vraiment impressionnante.
Jean Marquès-Rivière en est d'ailleurs très fier:
« Tous ces upa-guru m'ont
indiqué le chemin de Shambhala; ma profonde
reconnaissance leur est acquise. » (58) Le livre figure aussi dans la
bibliographie officielle des experts du Kalachakra
éditée par Alexander Berzin. (59) On peut donc en
déduire que Marquès-Rivière a fourni une
présentation très acceptable du Tantra-Kalachakra
et le livre, jusqu'à présent, n'a jamais soulevé aucune critique de la part
du milieu des lamas.
Dès la page 18, Marquès-Rivière
en vient à parler du mystérieux et mythique Roi du Shambhala
qui n'a pas uniquement fasciné les Tibétains et les Mongols, mais aussi
tous les intellectuels fascistes allemands, italiens, français et
espagnols, de culture traditionaliste. « Au royaume secret de Shambhala
demeure le grand bodhisattva spirituellement tout-puissant, son Roi.
Il attend l'heure des rénovations et la venue de l'âge d'or; pendant ce
temps, il dirige les destinées spirituelles du monde et enseigne aux meilleurs
des fils des hommes les degrés de l'initiation du Kâlachakra. »
(60) Voilà ce que nous apprenons sur la localisation de ce royaume
mythique: « L'évocation du Royaume de Shambhala
a eu et a toujours une extraordinaire résonance dans toute l'Asie bouddhique
sous influence tibétaine. Apparaît alors l'image d'un pays mystérieux,
sacré, centre exceptionnel de spiritualité, sanctuaire mystique dont le
prêtre-roi accorde une initiation très secrète. […] Protégé par des rangées
circulaires de hautes montagnes neigeuses, inaccessibles aux pieds des
humains, le saint Royaume de Shambhala demeure
ainsi secret et intouchable pour les peuples dégénérés et décadents qui
peuplent actuellement la terre. Il est le site béni et privilégié que
quelques rares élus ont pu et peuvent encore atteindre dans leur corps ou
hors de celui-ci. » (61) Quelques lamas pensent qu'il se situe dans le
désert de Taklamakan: « Dans cette partie
désertique de l'Asie centrale, une des plus mystérieuses encore de la
planète malgré la pénétration industrielle de la Chine communiste, les
traditions asiatiques ont placé leurs légendes et leurs rêves. Pour un
certain nombre de Lamas, le mystérieux Royaume de Shambhala
résiderait là. » (62) Quant à la diffusion du mythe, nous apprenons
que « des millions d'Asiatiques ont cru et croient encore en
l'existence et la réalité du Shambhala; cette
croyance justifie, explique et intègre leurs activités humaines et leurs
conditions. » (63)
Le Roi du Shambhala
passe pour être tout-puissant et pénètre, de manière magique, encore
aujourd'hui les âmes des hommes. Il « réside à la fois dans son
Royaume des Shambhala et dans le cœur de chaque
être vivant et c'est là où chacun peut le rejoindre par la Voie Royale s'il
le désire. Les chemins vers Shambhala sont
intérieurs et extérieurs tout à la fois. » (64) Il est encore dit du
Roi: « En tant que Maître universel, Empereur du monde, souverain
spirituel des puissants courants d'énergies subtiles qui règlent l'ordre
cosmique et la vie même des hommes, le Kulika
[Roi de Shambhala] dirige l'évolution spirituelle
des masses humaines incarnées dans la lourde et aveuglante matière. »
(65) « Le grand bodhisattva spirituellement tout-puissant » est
entouré d'une cour de conseillers très compétents: « Shambhala serait alors une communauté de sages soit
réunis en un seul endroit soit répandus à travers le monde comme une
Fraternité secrète et puissante dont les membres seraient liés entre eux
par des pouvoirs supra-normaux. Les Tibétains admettent facilement de
tels concepts que l'Occident rejette avec dédain et souvent
dérision. » (66) Quatre-vingt seize royaumes plus petits sont groupés
comme dans une mandala autour de l'État central Shambhala.
Leurs dirigeants connaissent les techniques magiques pour pouvoir
influencer les consciences humaines: « Les quatre-vingt seize chefs
des royaumes entourant Shambhala possèdent, selon la tradition, une baguette
magique qui les rend capables d'adresser immédiatement des messagers là où
ils veulent: les lamas y voient là le symbole du contrôle des niveaux
supérieurs de l'être humain sur le corps et ses activités
psychiques. » (67)
Les envoyés du Royaume de Shambhala sont des êtres humains ou surnaturels qui ont
été initiés dans le Kalachakra-Tantra.
Mais aujourd'hui, seul le Dalaï Lama peut décider
cela, selon Marquès-Rivière: « Le Dalaï Lama en détient le pouvoir actuellement et
réserve cette initiation à peu de personnes, s'il faut en croire son
entourage de Dharamsala. Enfin, le Royaume de Shambhala n'est pas une multinationale qui a besoin de
P.D.G. pour écouler sa marchandise. L'action du Pontife-roi est spirituelle
et elle s'opère sur des plans subtils où les églises, les groupes, les
centres et les 'personnalités', si éminentes soient-elles, n'ont rien à
voir. » (68)
La Dalaï Lama
aussi pense qu'une réelle influence émane du Royaume mythique de Shambhala et influence notre communauté planétaire.
C'est le dénommé Kalachakra Mandala de sable qui
servirait d'intermédiaire direct entre Shambhala
et la réalité. (69) « Bien qu'aucun homme ne sache où se trouve le Shambhala, nous fait savoir le prince souverain de
l'église, il semble pourtant bien exister. Bien qu'en ce moment aucun être
humain normal ne peut voir ni entrer en contact avec le Shambhala
avec des moyens normaux, on devient quand-même peu à peu conscient que cela
est possible. Dans les écritures, il est dit que Shambhala
peut entrer en contact avec notre monde. En résumé, le
mandala du Kalachakra n'est pas comme les autres
mandalas. D'autres pratiques tantriques concernent l'individu, mais le Kalachakra concerne la communauté, la société humaine
en tant qu'un tout. » (70)
Marquès-Rivière va ensuite parler des
prophéties messianiques apocalyptiques du Kalachakra-Tantra:
« Lorsque l'ensemble de ce dharma, de l'ordre humain et
cosmique tout à la fois, est troublé par le désordre, le prêtre-roi de Shambhala devient alors une puissance terrible et
courroucée, comme nous verrons, et rétablit sans pitié [!] l'harmonie
nécessaire à l'évolution du monde. […] Une troisième guerre mondiale
opposant deux blocs ennemis se déchaînera et le maître du parti vainqueur
sera le dominateur du monde, politiquement et économiquement. » (71)
« Le rôle futur de ce pontife dans le terrible cataclysme, qui secouera
l'humanité à la fin de ce cycle, sera primordial puisqu'il en sera
l'artisan, poursuit Marquès-Rivière, Bodhisattva,
compatissant et rempli d'amour pour tous les êtres vivants qu'il aide et
soutient à tout instant, il est également le grand justicier qui, sur son
cheval blanc, à la tête de son armée invincible, viendra restaurer l'ordre,
le dharma, du monde. » (72) Selon ce modèle apocalyptique, ce
monde sera entièrement détruit afin qu'un nouveau monde (bouddhiste) puisse
naître: « Dans ce concept de Shambhala, il y
a l'attente d'une renovatio radicale,
l'espoir de recommencer ab initio du Millénium. »
(73)
En se référant aux armes supra
naturelles décrites dans le texte original du Kalachakra-Tantra
et utilisées dans cette guerre de la fin des temps, Marquès-Rivière
pose la question: « C'est alors qu'une armée surgira; les textes
mêlent ici le réel et le fantastique, des êtres surnaturels combattant avec
les soldats de Shambhala et des armes puissantes,
des harpons et des roues célestes venant au secours de ce dernier. Faut-il
y voir l'intervention d'extra-terrestres? » (74) Même le XIVe Dalaï Lama se demande si les « guerriers de Shambhala » ne viendraient pas des étoiles:
« Il existe encore une autre possibilité, qu'il puisse s'agir d'une
autre planète [pour Shambhala]. Espérons que ces
personnes ne soient pas ces petits bonshommes verts et méchants que l'on
voit dans les romans de science-fiction et qui viendraient asservir les
êtres humains … Non, sûrement pas, car il est dit que le chef de Shambhala serait très beau et très intelligent et qu'il
possèderait tous les dons de la justice et de la compassion. Nous verrons
bien, n'est-ce pas? » (75)
Peu après la mort de Marquès-Rivière, parut un petit livre ayant comme titre
La caverne du cœur, Lettres de l'ami spirituel, de Marianne Kohler. L'auteur est issue
d'une riche famille de la noblesse russe qui avait émigré en France. Elle
travailla durant plusieurs années comme journaliste pour la revue féminine Elle.
Très tôt, elle manifesta son intérêt pour les questions de
spiritualité. La caverne du cœur contient toute la correspondance de
sa vie échangée avec son « ami spirituel et maître ». Son maître
ne voulait pas, selon elle, qu'on le nomme par son nom car il avait horreur
de tout culte de la personnalité envers un guru. Mais il l'autorisa
« à publier ses lettres, pourvu que je taise son nom. Comme beaucoup
de grands spirituels arrivés au terme du voyage, il ne souhaitait pas
laisser de traces. » (76) Le motif réel de tous ces mystères est la
complexité de la vie de cet « ami spirituel et maître » qui
n'était autre que Jean Marquès-Rivière. Cet
échange de lettres va des années 70 jusqu'en 1999. Le livre nous renseigne
aussi sur les contacts qu'a eus l'ex-collaborateur des SS avec Tensin Gyatso, le XIVe Dalaï Lama: « Je connais très bien les Tibétains,
et voici mes justifications (car vous pourriez penser que je me gonfle pour
vous impressionner), écrit Marquès-Rivière à son
ami, je connais le Dalaï Lama. Je l'ai vu
plusieurs fois, seul à seul, à Bénarès, dans le grand monastère de Sarnath,
où j'ai même parlé devant une centaine de lamas qui y étudiaient; je l'ai
revu à Genève. J'ai été en rapport avec son délégué officiel à l'ONU de
Genève et ai déjeuné plusieurs fois avec lui. Je suis un des professeurs
européens qui ont participé à la création, près de Zürich, du monastère
tibétain qui y fonctionne [il s'agit du monastère de Rikon
qui possède une bibliothèque de 10 000 titres, tous consacrés au Tibet].
J'ai été au Mont Pèlerin et connu le geshé
que vous connaissez; il m'a même donné le mantra (très secret) de Shambhala. En Inde, dans mes voyages, j'ai vu les
Tibétains dirigeant, à Delhi, la maison du Tibet. En un mot, je les connais
bien, dans leur couvent, dans leurs activités extérieures, dans leur vie
spirituelle. Des tulku (77), j'en ai vu des dizaines,
depuis des êtres remarquables jusqu'à de petites crapules, menteuses et
voleuses. » (78)
Ce serait le XIVe Dalaï
Lama qui aurait initié le collaborateur nazi et auteur d'un panégyrique
d’Hitler, Jean Marquès-Rivière, à quelques
mystères du Kalachakra-Tantra. (79) « Il me faut enfin ici
remercier tous ceux qui m'ont aidé directement ou non, à la réalisation de
ce travail. Je dois citer, en premier lieu, S. S. le Dalaï
Lama qui, lors d'une mémorable rencontre à Bénarès, m'expliqua le
symbolisme du sceau de Kâlachakra, le rNam.beu.dbang.idan
' les dix fois puissants', mantra de dix syllabes dont les lettres sont
unies en un beau dessin symbole du Vajrayâna [la
voie du tantra]. Nous étions les hôtes du Maharajah de Bénarès et
attendions la visite de je ne sais quel politicien important de Delhi, qui
ne vint pas d'ailleurs. Grâce à cette longue attente, se penchant sur le
sceau que je portais gravé sur ma bague, le Dalaï
Lama m'initia aux divers symboles de ce yantra. » (80) Comme
porteur de cet éminent sigle, l'ancien chef de police des Services des
Sociétés secrètes pouvait se compter parmi les élus du Kalachakra-Tantra. Le XIVe Dalaï Lama avait aussi offert à cet homme, qui avait
été condamné à mort par contumace à cause de ses crimes contre l'humanité,
un autoportrait avec la phrase écrite de sa main: « En souvenir, avec
mes souhaits et prières, pour la réalisation aisée de vos souhaits
temporels et ultimes. » (81) À la question de savoir d'où il tirait sa
légitimité pour dévoiler publiquement les secrets de ce texte du Tantra,
Jean Marquès-Rivière répondait énigmatiquement:
« L'autorisation en a été demandée par les voies traditionnelles et
elle a été accordée. » (82) Il est très probable que c'est le XIVe Dalai Lama lui-même qui ait donné cette autorisation
d'écrire sur le plus grand mystère de sa religion car qui d'autre aurait eu
cette légitimation?
Et même si le XIVe Dalaï
Lama ne semblait pas avoir été au courant du passé de ce Français, cette
rencontre avec Jean Marquès-Rivière marque
quand-même cette affinité ancrée en profondeur entre deux rejetons de
cultures dont les représentants semblaient s'attirer magnétiquement. Ce
sont, comme l'a exprimé l'admirateur passionné chilien de Hitler, Miguel Sarrano, les « archétypes » et les
« divinités » qui agissent derrière le Dalaï
Lama et le Kalachakra-Tantra, qui
ressemblent le plus aux « archétypes » et aux
« divinités » du fascisme religieux et avec les quels les
visionnaires nazis trouvent des coïncidences. Les deux systèmes se laissent
combiner sans aucun problème.
Bien qu'il ne fit pas partie de ceux
qui ont construit le mythe SS de l'héritage des ancêtres, Jean Marquès-Rivière combine dans sa personne justement
certaines qualités typiques qui étaient très prisées dans cette
institution: orientaliste de haute qualification scientifique, initié
dans une connection secrète avec le Tibet,
antisémite fanatique doublé d'un anti-maçonnique,
défenseur acharné de l'idéologie nazie, tenant d'une ultra-ancienne
tradition aryenne hyperboréenne. Encore dans son livre sur le Kalachakra paru en 1985, il cite à nouveau et sans
retenue la vision nordique hyperboréenne vers laquelle s'orientaient tous
les visionnaires nazis, et il
compare le paradis de Shambhala du Dalaï Lama avec le royaume des hyperboréens,
« dont la capitale fut Thulée ». (83)
Tout à fait dans la ligne des
idéologues du national-socialisme occulte, tels Herman Wirth
(en partie), Edmund Kiss, Karl Maria Wiligut, Julius Evola (en
partie), Savitri Devi,
Wilhelm Landig et Miguel Serrano,
il continue: « Ces Hyperboréens, les premiers 'Pères' de l'humanité
actuelle, furent les chefs des Atlantes, selon certaines traditions
initiatiques. Cet appel du Nord serait donc un effet de la mémoire
subconsciente des peuples de leur lointaine origine. » (84)
Alors que les rencontres publiques
entre les Nazis et le XIVe Dalaï Lama soulevèrent
de fortes critiques, elles sont présentées aujourd'hui par les exilés
tibétains et les néo-bouddhistes occidentaux comme de simples coïncidences,
des évènements sans importance au regard du nombre innombrable de personnes
que le Dalaï Lama a reçues à travers le monde
durant toute sa vie. Statistiquement parlant ceci est juste, mais sur le plan du contenu ces prétendues
rencontres précaires se distinguent des autres audiences parce que le
« dieu-roi » tibétain et sa religion sont considérés par ces
personnes comme le porteur et le réservoir d'un « savoir caché » qu'ils lient plus ou moins avec leur vision
fasciste ou fascisante du monde. (85)
Ernesto Mila et le Kalachakra-Tantra.
Nous n'avons pas pu savoir dans quelles
activités politiques Jean Marquès-Rivière fut
impliqué durant son « exil » en Espagne, si du moins il s'y
impliqua, ni s'il eut des contacts avec Ernesto Mila, natif de Barcelone, ancien
« Führer » du parti nazi espagnol (PENS, Partido
Espagňol National Socialista),
antisémite fanatique, raciste, occultiste et plus tard membre de plusieurs
organisations néo-fascistes. Mila, sur son home-page, indique qu'il est
d'accord avec la critique de Marquès-Rivière sur
les Francs-Maçons. (86) Cela ne veut pas dire qu'il le connut
personnellement mais le fasciste espagnol partage clairement
l'interprétation du Kalachakra de Marquès-Rivière et la combine avec sa vision du monde:
« Quelle importance peut avoir ce rituel? Le Tantra de Kalachakra et son initiation n'est pas n'importe quel
rituel parmi l'ensemble florissant du bouddhisme tibétain. C'est
'l'initiation suprême', celle qui assure 'la renaissance dans Shambhala' au moment de la bataille finale contre les
forces du Mal. Un thème semblable se rencontre dans la mythologie
germanique dans l'épisode du Ragnarök: Odin est à
la tête de ses troupes composées des âmes des guerriers les plus héroïques
tombés sur le champ de bataille et marche avec eux vers la bataille finale.
Ce qui est réellement surprenant dans le cas du Tantra de Kalachakra, c'est que s'agissant de l'initiation
suprême du bouddhisme tantrique, elle peut être administrée à n'importe
qui, même s'il n'a pas été préalablement initié dans cette école
traditionnelle: c'est une initiation pour profanes. Mais ce n'est pas tout,
il s'agit d'une initiation propre à la caste guerrière. Elle est intimement
liée à la légende de Gesar de Ling. » (87)
Gesar von
Ling est désigné par des Tibétologues comme le
« Siegfried » tibétain, en plus brutal et en plus cruel. Mila
cite le lama casque-rouge Chögyum Trungpa, qui attend le héros national tibétain
ressuscité comme le Führer apocalyptique: « Gésar
de Ling vivait à peu près au XIème siècle, et était le roi de la province
de Ling, dans l'Est du Tibet. Au terme de son règne, les histoires et les
légendes sur ses réalisations en tant que guerrier et dirigeant se
répandirent dans tout le Tibet et finirent par former la plus importante
épopée de la littérature tibétaine. Certaines légendes affirment que Gesar de Ling reviendra de Shambhala
à la tête d'une armée pour vaincre les forces de l'obscurité dans le
monde. » (88)
Ernesto Mila : Militia
– Les bases de la tradition guerrière
Mila approuve donc et voit dans la Kalachakra-Tantra un rituel pour l'édification d'une
nouvelle caste guerrière: « Le rituel du Tantra du Kalachakra
accompli par le Dalaï Lama doit théoriquement
servir à préparer des élites qui, lors de la bataille finale contre les
forces du Mal, se regrouperont pour défendre Shambhala. »
(89) En 1994, le XIV. Dalai Lama, réalisa, à
Barcelone, lieu de naissance et de prédilection d’Ernesto Mila, une
initiation au Kalachakra avec 3000 participants.
Les notes de
bas de pages se trouvent dans l’original de la version imprimée
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