TRIMONDI ONLINE MAGAZINE

Débat Culturel Critique et Créateur

 

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Hommage à Marc Bosche

 

Articles sur le Kalachakra Tantra e le Dalai Lama

 

Quelque mois après nous avons mit la version Anglais de « L’hombre du Dalai Lama » à l`internet Marc Bosche est entré en correspondance avec nous. Il avait toute suite compris l’importance de notre texte pour une discussion fondamentale sur le lamaism. Sous le titre « Un livre traduit en anglais pourrait bien faire office d’électrochoc pour la génération X « il a publie sa critique savant et engagé. Bien qu’il ne parlait pas Allemand on a intensivement discuté avec lui sur notre deuxième livre Hitler, Buddha, Krishna Une alliance funeste, et il a mit ses impressions sur papier dans une recension lucide.

 

Pour nous Marc était un témoin exceptionnel parce qu’il n’avait pas seulement un esprit clair mais  il a fait des expériences direct, profond et de longue durée avec le Bouddhisme Tibétain. Il était un témoin qui vient de l’intérieur. Jusqu’à sa mort il n’a pas tout à fait coupé ses liens à ce system et son lama personnel, qui mourut en 1995. Néanmoins Marc avait la force et la souveraineté d’accepter une remise en cause si principale que la notre. Nous avons commencé avec un échange intellectuel et amical et nous sommes très reconnaissants d’avoir fait sa connaissance. Il était à la recherche d’un Bouddhisme Européen

 

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Marc Bosche

 

Marc Bosch est décédé le 30 mars 2008 avec 48 années. Il serait toujours dans notre mémoire et ses écritures sont aussi actuelles que dans le temps ou il les a rédigés. Certains d'entre eux, concernant le Kalachakra Tantra e le Dalai Lama  nous voulons présenter ici.

 


Kalachakra et ses deux questions embarrassantes

Malheureusement pour Sa Sainteté une autre information embarrassante s'est diffusée sur le Net. Il existe bien un contentieux littéraire entre le lamaïsme et les principales autres religions d'origine sémitique, ou dites encore « du livre ».

  
Le texte du bouddhisme tantrique  de Kalachakra met en scène, semble-t-il, une confrontation à venir entre disciples bouddhistes de Raudra Chakri, supposé devenir le futur souverain Kalkin du royaume de Shambhala, et leurs "ennemis" supposés, identifiés comme disciples de Muhammad, mais aussi de l'imam Mahdi, de Yahvé et de Jésus. On trouve trace de cette idéologie somme toute guerrière dans
l'eschatologie apocalyptique du tantra de kalachakra selon les époux Trimondi qui ont signé un livre de 800 pages avec plusieurs chapitres qui traitent de ce sujet. Voici un bref extrait d'une interview donnée à New York en 2003 par ses auteurs :

 

" Trimondi: In the Kalachakra Tantra is prophesized the establishment of a Buddhocratic Empire, a clash of civilizations will arise as the military forces of Buddhism wage war against the armies of non-Buddhist religions. Murderous super-weapons possessed by the Buddhist Shambhala Army are described at length and in enthusiastic detail in the Kalachakra Tantra Text (Shri Kalachakra I. 128 – 142) and employed against "enemies of the Dharma (Buddha’s teachings).”


Stephens: Who are these non-Buddhist enemies spoken of in the Kalachakra Teachings? I’ve seen articles in the Buddhist magazines the Shambhala Sun and Tricycle about Lamas dressing up in military uniforms. I thought Buddhism was a peaceful faith?


Trimondi: The secret text of the Kalachakra explicitly names the "leaders" of Judaism, Christianity and Islam as the opponents of Buddhism: "Adam, Enoch, Abraham, Moses, Jesus, Mani, Muhammad and the Mahdi" describing them as "the family of the demonic snakes" (Shri Kalachakra I. 154). The final, Armageddon-like battle (Shambhala war) ends in the total victory of the Buddhists. The official Kalachakra-Interpreter Alexander Berzin openly compares the principles of the Islamic “Jihad” with that of the Shambhala war. As in the Islamic martyr-ideology Shambhala-Warriors, who will be killed in the last battle have earned passage into the [Buddhist] paradise.
"


Que faut-il en penser ? Alexander Berzin, qui a longuement travaillé aux archives tibétaines à Dharamsala, et qu'on ne peut pas soupçonner d'être hostile aux croyances et aux contenus du tantra de Kalachakra y a consacré en effet des
pages attentives sur son site, même si c'est en des termes à peine plus nuancés que ceux utilisés ci-dessus : Holy Wars in Buddhism and Islam: The Myth of Shambhala. On pourra lire en particulier la fin assez ambiguë du papier d'Alexander Berzin intitulée "Similarities between Buddhism and Islam" et sa conclusion.


Il faut aussi rappeler que le Web bruit encore d'un autre débat en ligne, toujours grâce aux époux Trimondi. Les auteurs de "
the shadow of the dalai lama" (ce lien ouvre la table des matières du livre en anglais) sont allés à la découverte des textes traduits du tibétain des initiations de Kalachakra. Sa sainteté en est sans doute le plus fervent maître, puisqu'il propose son mandala de sable et son initiation aux quatre coins du monde depuis de nombreuses années. Les auteurs se sont aperçus avec stupeur que le texte rituel propose après les initiations publiques la possibilité de visualiser ou de réaliser dans la chair des initiations dites secrètes à fort contenu sexuel (explicite ou visualisé, les deux niveaux sont possibles). 

 

Je laisse aux lecteurs le soin de découvrir leur contenu éventuel et de se faire leur propre idée à partir par exemple de cette note de lecture du livre qui inclut un résumé de cette assertion. Il semble bien que la condamnation par sa sainteté des pratiques sexuelles soit donnée en public, et que dans la sphère intérieure de l'initiation secrète de kalachakra (ce lien ouvre le chapitre en anglais du livre consacré à cette question), ce soit une logique bien plus permissive qui puisse se visualiser, voire s'actualiser selon l'interprétation que le maître et ses disciples en font. Le tantrisme yogique a de profondes racines sexuelles, et cela ne devrait pas surprendre. Mais ce n'est pas inutile de rappeler qu'entre le discours pudique voire moralisateur et les textes traditionnels des initiations tantriques, dont sa sainteté est détenteur de la transmission, un décalage peut exister. Nos amis d'outre Atlantique appelleraient peut-être cela "a double standard"...

 


Shoko Asahara – Exterminateur au nom de Shambhala

Shōkō Asahara, initié à l'ésotérisme politique de KALACHAKRA et ami du Dalaï-lama (le grand hiérophante de KALACHAKRA), est toujours en attente de son exécution.


"Le gourou de la secte Aum", dit Marc Bosche, "se proposait de transformer à marche forcée le monde en un « royaume de Shambhala » et avait mis en valeur ses introductions auprès de sa Sainteté le Dalaï-lama pour faciliter la pénétration des idées du tantrisme bouddhique de Shambhala dans la société japonaise."


Le "maître spirituel" était grand amateur de voitures de luxe et de femmes. Il annonçait l’apocalypse et assurait que "tuer peut être utile parfois". Ses disciples firent 12 morts et quelque 5 500 blessés dans l’attentat au gaz sarin de Tokyo le 20 mars 1995.


A la fin des années 80, Shoko Asahara n’était plus un inconnu. Il rencontra cinq fois le Dalaï-lama dont il se disait le disciple. Même après l’attaque au gaz sarin, le Dalaï-lama aurait, selon le magazine Stern (Stern 36/95, p. 126), réaffirmé son amitié pour le responsable de Aum Shinrikyo, appelant ce dernier "un ami, peut-être pas parfait, mais un ami". De nombreux courriers attestaient de relations très amicales et respectueuses entre Asahara et les nombreuses autorités tibétaines, incluant Khamtrul Rinpoche et Kalu Rinpoche.

 

Marc Bosche écrit : "Sa Sainteté le dalai lama pose main dans la main avec le riche bienfaiteur Shoko Asahara qui aurait donné en tout à la cause tibétaine 45 millions de roupies, soit environ 170 millions de Yen ou encore 1,2 millions de dollars selon le journaliste Christopher Hitchens, His Material Highness , 13 juillet 1998.


Quelques années plus tard, le 20 mars 1995, le même Shoko Asahara, gourou de la secte Aum, et surtout psychopathe ayant l'intention d'anticiper à sa manière la vision apocalyptique de Shambhala, fera gazer au sarin de sa propre initiative les passagers captifs du métro de Tokyo. L'attentat entraîna de nombreuses morts et de très nombreuses intoxications (environ 5500) dans ce qui devait s’avérer l'une des plus grandes catastrophes contemporaines en relation avec une secte. La photo ne figure pas dans l'album souvenir de Sa Sainteté sur son nouveau site
www.dalailama.com, mais est reproduite en revanche dans le livre électrochoc de Victor et Victoria Trimondi  "The Shadow of the dalai Lama" qui consacre tout son chapitre XIII (Deuxième partie de l'ouvrage) à cette question :

 

On découvre dans le chapitre sus-mentionné, précis et documenté, les liens qui unissaient, avant le drame, Sa Sainteté le Dalaï Lama et Shoko Asahara, (même si bien entendu Sa Sainteté n'avait pas la moindre idée de la dangerosité future et des projets funestes de ce dernier). On peut suggérer à chacun qui lit l'anglais de découvrir en intégralité le chapitre XIII du livre des époux Trimondi pour s'en faire une idée précise et informée. En particulier il semble que les deux hommes se soient rencontrés cinq fois à partir de 1987 si l'on en croît aussi le magazine Stern.


Le gourou de la secte Aum se proposait de transformer à marche forcée le monde en un "royaume de Shambhala" et avait mis en valeur ses introductions auprès de sa Sainteté le dalaï-lama pour faciliter la pénétration des idées du tantrisme bouddhique de Shambhala dans la société japonaise.

 


Une petite phrase énigmatique...

Une interview récente pour un média asiatique ("The Progressive" Online, janvier 2006) révèle un bien étonnant trait d’humour de la part de Sa Sainteté. A la fin d’une réponse en anglais au journaliste, le dalaï lama ajoute spontanément, sans y avoir été invité, cette plaisanterie énoncée à la troisième personne : « Ainsi un jour, si le dalai Lama devient un criminel de guerre, il deviendra le plus dangereux (deadly) des criminels de guerre. [rires] » Vous trouverez l’extrait du discours original en anglais ci-après, tandis que le lien vers la page web qui publie l’intégralité de cet entretien est le suivant : http://progressive.org/mag_intv0106


La personne qui m’a adressé depuis les Etats-Unis ce texte surprenant me faisait remarquer que cette plaisanterie inhabituelle pourrait faire allusion au mythe de Shambhala dans le tantra de Kalachakra. Au sein de l’idéologie de Kalachakra, dont sa Sainteté est un pédagogue et un initiateur infatigable, réside la croyance selon laquelle à la fin des temps une incarnation ultérieure de sa sainteté le dalaï lama sera un monarque universel qui mènera les troupes des convertis de Kalachakra pour une grande guerre apocalyptique. Selon ce tantra de nombreux artefacts militaires seraient alors utilisés.


Bien entendu nous n’accordons pas à titre personnel de crédit à ce genre de prophétie dont regorgent les vieux grimoires. Mais le dalaï lama en est-il aussi distancié pour plaisanter ainsi ? : « Ainsi un jour, si le Dalai Lama devient un criminel de guerre, il deviendra le plus dangereux (deadly) des criminels de guerre. [rires] » On imagine mal Jacques Chirac ou l’Abbé Pierre plaisantant spontanément sur un sujet aussi grave à la fin d’une causerie avec un journaliste. Alors quelle mouche a piqué sa sainteté ? Il est clair que si c’est une plaisanterie, c’est aussi ce qu’on appelle en politique une petite phrase, de celles qu’un homme politique ne lâche que très rarement par hasard à la fin d’une interview.


Compte-tenu de sa bonne éducation, de sa parfaite maîtrise de lui-même et de sa bienséance habituelle, il semble possible que sa sainteté ait voulu faire passer un message : en filigrane, c’est bien l’eschatologie guerrière de Kalachakra et de Shambhala qui est à considérer derrière l’apparence bonhomme et placide du prix Nobel de la Paix. Mais l’humour a ceci de particulier que nous ne saurons jamais à coup sûr si le dalaï lama était sérieux en osant cette plaisanterie d’un goût… discutable. Voici l'extrait de l'interview qui situe en contexte la "plaisanterie" qui apparaît à la fin de l'extrait : 

 

THE PROGRESSIVE (online), The Dalai Lama Interview, By Amitabh Pal, January 2006 Issue: 

Question: There are governments, such as the one in Burma, that claim to be Buddhist but engage in severe repression. What’s your response to its misuse of Buddhism?


The Dalai Lama: I don’t know. Is the Burmese regime really Buddhist?

Question: It claims to be.

The Dalai Lama: I think many of its leaders, naturally, are Buddhist. But, as far as their policies are concerned, do they manipulate Buddhism?

Question: They do things like funding pagodas.

The Dalai Lama: This is in order to get support from the public. On a few occasions, people have asked me if I have any statement to make regarding Aung San Suu Kyi. I have often expressed to the military leaders, since they are Buddhist, that they respect human rights, individual as well as those of groups, and that they modify some of the strict laws they have.

In the 1930s, one Mongolian leader became a very, very brutal dictator and eventually became a murderer. Previously, he was a monk, I am told, and then he became a revolutionary. Under the influence of his new ideology, he actually killed his own teacher. Pol Pot’s family background was Buddhist. Whether he himself was a Buddhist at a young age, I don’t know. Even Chairman Mao’s family background was Buddhist.

 

So one day, if the Dalai Lama becomes a mass murderer, he will become the most deadly of mass murderers. [Laughs] »  in : http://progressive.org/mag_intv0106


Le dalai lama, mauvaises fréquentations ou liaisons dangereuses ?

Victor et Victoria Trimondi ont recensé au moins cinq autres « amis », connaissances ou relations de sa sainteté le dalaï lama ayant une réputation sulfureuse. Quatre d’entre eux ont eu des liens avec le nazisme ou le néo nazisme (Bruno Beger, Heinrich Harrer, Jean Marquès Rivière, Miguel Serrano). Un autre s’est distingué plus récemment pour avoir flirté avec l’antisémitisme (Jörg Haider). 


La question qui se pose bien sûr est la suivante : sa sainteté connaît des milliers de personnes, qu’elle rencontre parfois aussi par ailleurs, et qui n’ont pas cette aura sulfureuse, de l’abbé Pierre à Richard Gere, pour reprendre les deux exemples cités au début de cette page.
Alors cette petite galerie de portraits sulfureux, heureusement minoritaires, est-elle pertinente dans un carnet d’adresses aussi bien rempli que celui du dalaï lama ?

 

L’argument ici est que sa sainteté semble ne pas avoir vraiment dénoncé ou renié ces quelques "amis" pourtant encombrants. On pourrait trouver que cela est un signe de « fidélité » envers ses relations de longue date. Mais cela pose quand même la question de la relation ambigüe du souverain du Tibet en exil avec la démocratie et ses valeurs. Probablement un chef d’état démocratiquement élu ne pourrait aujourd’hui affirmer des relations avec des personnages soutenant des régimes ou des organisations que l’Histoire a clairement épinglés pour leurs exactions.

 

Voici les liens que nous proposent ces auteurs afin que nous puissions prendre la mesure de ces surprenantes fréquentations du prix Nobel de la Paix (Trimondi, septembre 2006, l'extrait d’un document email des auteurs est présenté ci-après) :


Here some informative links various "friends" of the Dalai Lama:

 
Bruno Beger

Bruno Beger did meet the Dalai Lama at least three times. He took part at the famous Nazi-Tibet-Expedition, which was organized by Heinrich Himmler and the SS-Ahnenerbe. Later he was involved in some of the most horrible events of the Shoa (see below). For the Dalai Lama Beger has been of great help, because he did compose a statement, that Tibet was not part of China.


Heinrich Harrer

Former SS-man Heinrich Harrer was the teacher of the young Dalai Lama and the first who mentored the God-King with "western thinking." The friendship between the two endured a whole lifespan. Harrer beside Beger is another witness of the independency of Tibet.  The Nazi background of Harrer was well discussed in the Jewish community because of this film about him (with Brad Pitt as Harrer) but the Dalai Lama was spared of any critics in this debate. After Harrer’s death the relationship to his old friend will survive. Near Harrer’s grave and the “Harrer Museumin Hüttenberg (Carynthia) the new “European residence” of the Dalai Lama will be constructed, as the Austrian Press reports.


Jörg Haider

Jörg Haider the governor of Carynthia/Austria is well known in the Jewish Press and there have been published a lot of very critical articles about him and his open and covered Anti-Semitism. He is the newest friend of the Dalai Lama who will build up with him a sort of “European Residence”.  For several days Haider clashed with the ambassador of Israel in Vienna. 

 

Jean Marquès Rivière

The Orientalist Jean Marquès Rivière is the author of the French book Kalachakra – Initiation tantrique du Dalai Lama » (under the name Jean M. Rivière). All his life he was fanatically interested in the occult world of Lamaism and the Shambhala Myth which is part of the Kalachakra Tantra. At the end of WW II the French authorities sentenced him to death in absentia, because he organised the deportation of Jews in the concentration camps as chief of the secret police (S.S.S.) under the Vichy regime. He was also the author of the greatest anti-Semitic exposition which ever has been organised in France. Later in Benares the XIV. Dalai Lama did give him a ring with the Kalachakra Emblem, which was interpreted by Marquès-Rivière as an act of high initiation. His book about Kalachakra, which has some racist passages, is highly esteemed by western pupils of Lamaism. M. R. died in the year 2000

 

Miguel Serrano

The Dalai Lama did meet Miguel Serrano three times. Serrano was the ambassador of Chile in India where he met the Dalai Lama as the first representative of the West. He welcomed the Tibetan Leader when he crossed the Indian border on his flight out of Communist China. Serrano is venerating Hitler as the incarnation of a God and he is extremely Anti-semitic. He did borrow a lot of ideas from Tantric (Tibetan) Buddhism for his own religion which he calls “Esoteric Hitlerism”. Articles by Serrano about the German SS appeared on the website Al Sur del Mundo (At the south of the world). The website also publishes various anti-Semitic materials.

 

(Citation ci-dessus : Trimondi V. & V., septembre 2006, extrait d'une information reçue par e-mail).

                                                              


Dans Le Point on découvre un dalai lama conservateur :

Je vous propose ces 3 brèves citations à titre d'information par l'exemple. Elles sont extraites d'un entretien donné par sa sainteté au magazine Le Point N° 1488 du 22 03 2001, p116. L'entretien était conduit par François Gautier. Nos citations étant nécessairement tronquées, nous vous conseillons de consulter l'intégralité de l'entretien en suivant le lien indiqué ci-dessus.

 

Le Point : Votre Sainteté, est-ce que ce terrible tremblement de terre est de mauvais augure pour l'Inde ?


Le dalaï-lama : Je ne sais pas, mais c'est certainement le résultat d'un mauvais karma. Il n'y a pas de souffrances injustes [...]"

 

Les souffrances seraient une sorte de sanction d'un "mauvais karma" venu de "vies antérieures". Chers participants du forum : pensez-vous qu'elles soient ainsi justifiées et donc acceptables ? La question est posée : à vos claviers et à vos souris...

 

Autre déclaration de sa sainteté, sur le nucléaire, bien que considéré comme un défenseur de l'environnement, et après une stance sur les dangers du nucléaire, il semble finalement accepter dans la pratique la dissuasion nucléaire pour son pays d'adoption l'Inde :


Le Point : D'après votre raisonnement, la bombe atomique serait justifiée...

 

Le dalaï-lama : [...] Maintenant, je comprends les préoccupations des Indiens : vous avez les cinq Grands, qui exigent de l'Inde qu'elle n'ait pas d'armes nucléaires, mais qui se préservent le droit d'en avoir. C'est injuste et dangereux. Les Indiens doivent faire face à deux menaces atomiques venant de l'ouest et de l'est (Pakistan et Chine)." 


Enfin la tolérance de sa sainteté est souvent considérée comme allant de soi, qu'en est-il pour les droits des minorités et du respect des préférences sexuelles individuelles ? :

Le Point : Que pensez-vous de l'homosexualité ?

 

Le dalaï-lama : Cela fait partie de ce que nous, les bouddhistes, appelons « une mauvaise conduite sexuelle ». Les organes sexuels ont été créés pour la reproduction entre l'élément masculin et l'élément féminin et tout ce qui en dévie n'est pas acceptable d'un point de vue bouddhiste [il énumère des doigts] : entre un homme et un homme, une femme et une autre femme, dans la bouche, l'anus, ou même en utilisant la main [il mime le geste de la masturbation]."

Non seulement l'homosexualité est condamnée mais encore... la masturbation ! Pensez-vous que cela soit la marque d'une pensée de progrès, de réalisme et de tolérance à l'heure où bien peu de pédiatres, de médecins et de psychologues accepteraient de soutenir un tel discours moralisateur sur la masturbation ?

 

Nos contemporains considèrent encore souvent que le dalaï lama est sympathique parce qu'il n'aurait pas de discours de dogme. Il n'en est rien ici.

 

D'ailleurs ces déclarations du prix Nobel avaient provoqué une certaine émotion, en particulier dans plusieurs réseaux associatifs en Europe. Je crois que sa sainteté, un tantinet interpellée, a mis un peu de lait dans son thé (pour ne pas dire d'eau dans son vin, ce qui serait déplacé pour un moine bouddhiste) pour rassurer...

 

Sans connaître les questions tibétaines contemporaines de l'intérieur je trouve que la position de sa sainteté sur ces questions de sexualité exemplifie bien la confusion entre la sphère du religieux (le lama) et le social (Le Prix Nobel de la paix) voire le politique (le chef du Tibet en exil). En tenant un discours religieux sur les pratiques sociales, il me semble que sa sainteté montre que la maturité démocratique n'est pas vraiment là.

 

Un peuple, fût-il tibétain, n'est pas composé exclusivement de moines et de moniales engagés à la chasteté, ni uniquement de bouddhistes pratiquants ayant adhéré aux voeux de fidèles laïcs. Un peuple est un peuple, divers, libre, hétérogène, et les pratiques sexuelles reflètent naturellement sa liberté et sa diversité d'âges et de chemins de vie. Que sa sainteté voit la vie à travers ce dogme strict et le propose ainsi dans les medias tant aux Tibétains en exil qu'aux Occidentaux montre qu'il n'a pas tout à fait intégré la dimension démocratique et citoyenne qui fonde nos sociétés modernes en Europe. Et je commence mieux à comprendre que nombre de ses concitoyens tibétains ne puissent tout à fait le suivre, ni se reconnaître totalement dans son action.

 

Rappelons encore la condamnation explicite de l’homosexualité, de la fellation et de la masturbation par le dalaï lama :

 

Le Point : Que pensez-vous de l'homosexualité ?

 

Le dalaï-lama : Cela fait partie de ce que nous, les bouddhistes, appelons « une mauvaise conduite sexuelle ». Les organes sexuels ont été créés pour la reproduction entre l'élément masculin et l'élément féminin et tout ce qui en dévie n'est pas acceptable d'un point de vue bouddhiste [il énumère des doigts] : entre un homme et un homme, une femme et une autre femme, dans la bouche, l'anus, ou même en utilisant la main [il mime le geste de la masturbation]."

Imaginez un seul instant le président d'un état européen tenir un tel discours. Il serait qualifié d’ultra conservateur. Imaginez un prix Nobel vilipender des libertés fondamentales et des droits inscrits dans nos lois (l'homosexualité n'est plus une maladie selon les lois françaises depuis 1981). Ce serait assez inconcevable ! Ce serait même la révolution ! Qui dans l'éventail des sensibilités politiques aujourd'hui oserait condamner ainsi publiquement la masturbation ou la fellation aujourd'hui et dire "qu'elle n'est pas acceptable" (sic) ?! Laissons à chacun le soin de répondre à cette question : à vos souris, à vos claviers, dites-nous si on a tort et si vous pensez donc qu'il faut proscrire la masturbation parce qu'elle rendrait sourd et l'homosexualité parce qu'elle serait contre nature comme certains l'affirmaient au dix-neuvième siècle, et tout cela aujourd'hui, au nom de la sagesse et de la compassion...


Le Dalaï Lama sème la zizanie dans la communauté scientifique
WASHINGTON (AFP) - "Le dalaï-lama, chef spirituel des Tibétains, sème la zizanie chez les neurologues qui s'opposent sur le bien-fondé de son intervention à la prochaine conférence de la société américaine de neurologie que les critiques voient comme un dangereux amalgame de la religion et la science.


Le Dalaï Lama va, à l'invitation de la présidence de l'association nord-américaine de neurologie (Society for Neuroscience), prononcer le discours inaugural de sa prochaine conférence scientifique annuelle le 12 novembre à Washington à laquelle plus de 20.000 neurologues du monde doivent participer.


Le thème de cette intervention, "la neurologie de la méditation", portera sur des recherches faites par des chercheurs américains auxquelles le dalaï-lama a participé. Ces études s'efforcent de montrer que la méditation telle que la pratiquent les moines bouddhistes génère des émotions positives.


Cette invitation faite au printemps a provoqué une polémique conduisant plus de 700 neurologues membres de la "Society for Neuroscience" à signer une pétition demandant l'annulation de l'intervention du leader tibétain en exil. Ce qu’ils n’ont pas obtenu.
"Ce que je conteste c'est le fait qu'un non scientifique parle de science à un groupe de scientifiques", a expliqué à l'AFP Nancy Hayes, une neurobiologiste à l'école de médecine Robert Wood Johnson (New Jersey, est).


"Le dalaï-lama doit parler de recherches dont les résultats ne sont apparemment pas très solides", a-t-elle estimé. "Notre association représente les sciences neurologiques et à ce titre nous avons la responsabilité de vérifier si les résultats des recherches peuvent être reproduits et sont scientifiquement solides avant d'en faire la publicité", a expliqué le Dr. Hayes.
"Les neurologues ont rejoint l'association forte de plus de 36.000 membres pour la poursuite de la neurologie et non pour des raisons politiques ou religieuses", peut-on aussi lire dans la présentation de la pétition.


Les défenseurs d'une intervention du dalaï-lama comme le Dr. Henriette van Praag, neurologue au Salk Institute en Californie (ouest), font valoir dans une contre pétition ayant recueilli quelque 365 signatures, "qu'une discussion libre sur la physiologie de la méditation pourrait conduire à de nouvelles stratégies de recherche sur l'esprit humain".

 

Les deux études en question sur les effets physiologiques de la méditation ont été publiées en 2003 et 2004. Selon la première conduite par Richard Davidson, neurologue à l'université de Wisconsin, des employés d'une firme de biotechnologie ont montré un accroissement de leur activité neurologique dans la région du lobe temporal gauche de leur cerveau dans des séances de méditation.

 

Cette zone est active quand le sujet ressent des émotions positives, ont affirmé ces chercheurs.
La seconde étude, financée par le Mind and Life Institute, organisation que le dalaï-lama a contribué à créer, avait à l'aide d'un scanner montré que les cerveaux des huit moines tibétains en méditation produisaient tous de puissantes vagues de rayons gamma, signe selon eux de la concentration cérébrale et des émotions positives.

 

"Ces recherches n'ont pas prouvé que la méditation engendrait de la générosité ou tout autre sentiment positif", a insisté le Dr. Yi Rao, de l'Université Northwestern (Illinois, nord).
"En outre les tenants du bouddhisme et de la méditation cultivent l'idée dans le public que ces affirmations sont fondées sur des preuves scientifiques", a-t-il déploré.

 

Des défenseurs du dalaï-lama, comme Bhuchung Tsering, directeur du groupe "International Campaign for Tibet", relèvent que la très grande majorité des noms de neurologues signataires de la pétition contre l'intervention, sont originaires de Chine continentale. "Il est possible qu'ils aient une réaction nationaliste ou essaient de plaire au gouvernement chinois", a-t-il estimé. (fin de la dépêche)


Dans un sens ces chercheurs de la Chine font oeuvre utile s'ils pointent du doigt et exposent la stratégie médiatique de Sa Sainteté visant à poursuivre la pénétration des milieux scientifiques entreprise depuis les années 90.

 

Sa Sainteté, ainsi que Matthieu, ancien scientifique lui-même à l'Institut Pasteur, je crois, ont bien compris que la science est en quelque sorte la religion d'aujourd'hui, et qu'elle décide des valeurs contemporaines, bien souvent.


Alors, ils se rapprochent, par une politique de petits pas, de l'institution scientifique, et de son potentiel de communication globale, en nouant des liens privilégiés avec des chercheurs, avec l'aide en particulier des chercheurs convertis au bouddhisme tibétain.

 
Qu'on signale dans le milieu académique chinois (RPC) la volonté de noyautage possible de la communauté académique internationale des neurosciences est une bonne chose. Après, parmi les scientifiques eux-mêmes, et dans le grand public, chacun pourra se faire s'en faire une idée mieux informée. Au moins le débat aura lieu.

 

Enfin se pose une autre question, celle des alliances peut-être contre-nature que Sa Sainteté sera peut-être amené à consentir pour entrer plus avant dans les sphères d'influence du monde scientifique. Il est probable qu'aux Etats-Unis le mouvement créationniste puisse essayer d'utiliser Sa Sainteté et son image d'ouverture comme un cheval de Troie pour faire progresser l'idée de l'intelligent design dans l'opinion, mais pas seulement. Les chercheurs américains proches de la mouvance évangélique pourraient être tentés de se rapprocher de Sa Sainteté pour promouvoir grâce à son image plus libérale leur agenda anti avortement, contre la sexualité pré maritale et hostile à la communauté homosexuelle (en plus bien entendu de la modification des manuels scolaires où la notion de darwinisme devrait selon eux laisser la place à celle d'intelligent design). Car sur ces bases les "prolife" (hostiles à l'avortement) les "néo-créationistes" (hostiles au darwinisme) et Sa Sainteté ont plus de points en commun que de divergences.

 

Les entretiens médiatisés de Sa Sainteté avec George W. Bush (lui même ardent défenseur "prolife" - hostile au droit à l'avortement - et proche de ces mouvances évangéliques conservatrices) sont-ils des signes positifs d'intérêt vis-à-vis de la communauté tibétaine en exil donnés par le patron de la Maison Blanche en échange d'un "soutien amical" de Sa Sainteté à l'agenda de Bush (conservateur, néo-créationniste, hostile au droit à l'avortement et hostile au mariage comme à l'adoption d'enfants par des couples homosexuels) ?

 

Il est peu probable que George W. Bush fasse à l'ancien maître du Potala un don sans contrepartie de son soutien politique. Et le seul pouvoir que Sa Sainteté a à échanger aujourd'hui contre ces faveurs américaines est celui de sa parole.

 
Cette manière un peu rapide de prendre à témoin la science expérimentale pour affirmer de manière peut-être péremptoire le système religieux du tantrisme bouddhique est effectivement une forme de condescendance un peu cavalière à l'égard du travail patient, progressif, et souvent attentif des chercheurs scientifiques.

 

Il y a quelques années une vague de quelques publications "prouvant" l'efficacité d'une pratique appelée "méditation transcendantale" avait déjà été publiée dans des revues scientifiques. Or il se trouve que ce terme est associé à un groupe dont l'innocuité a depuis été interrogée, et une recherche sur Internet vous montrera rapidement pourquoi (regarder sur le site prevensectes par exemple).


Que ces nouveaux mouvements religieux en Occident souhaitent se parer des atours de la science témoigne-t-il d'une stratégie médiatique de conquête des esprits ?

 

Qu'il y ait dans le monde chinois aujourd'hui des scientifiques nombreux et de haut niveau, y compris des ingénieurs capables d'envoyer deux hommes dans l'espace et de les en faire revenir sains et saufs par exemple, n'est pas une nouveauté. Mais c'est assez rassurant, assez sain, si certains scientifiques d'origine chinoise constituent une force d'opposition au discours lénifiant et peut-être convenu sur les vertus supposées du tantrisme bouddhique.

 

Le Dalaï lama a peut-être trouvé là la confrontation que n'a jamais osé l'Occident, littéralement anesthésié par les techniques rhétoriques et médiatiques de Sa Sainteté. Avec en face de lui les chercheurs issus du monde chinois qui connaissent tout à la fois le contexte idéologique où opère le chef de l'aristocratie monastique tibétaine et le discours scientifique occidental, la confrontation ne tournera probablement pas à l'avantage de Tenzin Gyatso qui va avoir affaire à forte partie. Il avait gagné la bataille de l'estime occidentale face aux fusils chinois, mais il pourrait la perdre face aux beaux esprits et aux scientifiques issus de l'empire du milieu qui n'ont rien à lui envier, et qui sont surtout très nombreux et portés par l'irrésistible décollage de leur sous-continent.

 

C'est le dalaï lama qui a le plus a perdre dans cette affaire, qui pourrait contribuer à ternir son image, s'il s'avérait à son issue que notre Prix Nobel de la Paix avait des arrière-pensées pas tout à fait scientifiques ni complètement humanitaires.


Le problème est qu'une fois de plus ce seront les Tibétains en exil, parfois pauvres et précaires, qui souffriront si les Occidentaux se détournent de leur cause, écoeurés de découvrir que leur générosité aura été prise en otage par le système lamaïste que représente Sa Sainteté qui en défend les prérogatives et les privilèges.


Notes sur l'émission anniversaire Thema d'Arte (2005) sur le dalaï lama

L'émission Thema d'Arte consacrée au Kundun est passée, dans un silence assourdissant, à côté de ces questions évoquées ci-dessus qui auraient bien mérité un reportage. Mais bien sûr souligner les points communs avec des fondamentalismes religieux n'aurait pas rendu le personnage très sympathique aux yeux du plus grand nombre des téléspectateurs.
L'adhésion enthousiaste de nombreux fidèles est un phénomène remarquable et dont le mécanisme complexe, s'il existe, mériterait d'être étudié.

 
Sa Sainteté était cadré de près dans le reportage, et j'ai ainsi un peu mieux perçu (c'est bien entendu subjectif) qu'il était aussi un homme politique en représentation, maniant le charme et la séduction, adaptant son propos à son auditoire, etc.


Et lorsqu'il a tenu à préciser explicitement que son rire n'était pas instrumentalisé, mais naturel, je me suis demandé...

 
Le reporter a sans doute un instant pensé qu'il pouvait y avoir dialogue, ouverture mutuelle, écoute en retour du lama pour son modeste interviewer. Notre interviewer a cru bon, en effet, d’ajouter quelque répartie amusante adressée à sa sainteté : « - C'est ma femme qui va être contente d'apprendre ça ! ». En brossant dans cet instant de trop la réplique inattendue du reporter le dalai lama a bien rappelé que tout devait tourner autour de son centre à lui. Il pouvait plaisanter, rire et sourire, dire des choses de la vie quotidienne, mais que personne ne vienne lui demander d'écouter un tel comportement en miroir ? Roi du Tibet, bouddha vivant, souverain sacerdotal, incarnation du roi de Shambhala, manifestation de kalachakra : notre Kundun s'est-il également pris (en quelque sorte) pour la gare de Perpignan avec ce jeune interviewer ?


Ce n'est pas la première fois que d'infimes craquelures apparaissent peut-être dans le personnage lisse et souriant, et la télévision est un capteur qui peut être d'une bonne précision. Un ami m'avait fait observé il y a quelques années que lors d'une diffusion de reportage sur l'accueil de réfugiés à Dharamasala, les spectateurs français s'étaient émus d'un bref instant où le dalaï lama avait grondé de nouveaux arrivants. Il leur aurait dit en substance qu'il ne fallait pas venir en exil, et rester au Tibet. Ces pauvres gens, qui avaient traversé l'Himalaya, et peut-être "l'enfer", pour venir, qui avaient tout perdu dans leur exil vers Dharamsala étaient là agenouillés, voire prosternés devant lui sur son estrade. Des téléspectateurs avaient trouvé dure cette manière de parler à des personnes qui arrivaient tout juste en exil, épuisées et si pauvres, (certaines ont parfois des gelures aux doigts et aux pieds).


Les téléspectateurs, certains du moins, avaient pensé que sa sainteté aurait dû se taire en cet instant, et peut-être leur dire en un autre moment et avec d'autres mots, que Dharamsala ne pouvait pas accueillir tout le monde, tout le flux en exil, et que les conditions de l'intégration de la communauté tibétaine en Inde en dépendaient.


Le lendemain de la diffusion du reportage cet ami avait donc recueilli plusieurs réactions interloquées, voire froissées, de téléspectateurs qui n'en revenaient pas de cette scène, suggérant que le personnage au quotidien n'était peut-être pas tout à fait congruent avec son image de douceur et de bonté.

 
Mais revenons au documentaire d'Arte Thema. Il y a eu cette scène un peu surréaliste du reportage où sa sainteté parcourt à grands pas alertes, s'arrêtant à peine pour un bonjour ou un salut, une sorte de petite esplanade ceinte d'arceaux de fer scellés dans le sol. Derrière attendaient sa venue quelques fidèles pour un instant de rencontre et de bénédiction publique. Les élus, en nombre clairsemé sont assis là à même le sol (nous sommes en extérieur) ou peut-être agenouillés. On note dans cette quinzaine de fidèles quelques femmes occidentales d'âge mur dont la ferveur se lit sur les visages.

 

Les arceaux en métal ne sont pas très hauts, une bonne cinquantaine de centimètres, peut-être soixante-dix ou quatre-vingt. D'un côté assis par terre des gens attendent longuement, de l'autre le dalai lama debout les honore de sa présence, puis quelques secondes à peine plus tard les éconduit de son absence. Ils m'ont intrigué ces arceaux, qu'en est-il de vous ? Pour une raison qui m'échappe je n'ai pu m'empêcher d'associer (et à mon grand dam, que les intéressés me pardonnent) ces barrières séparant, sur l'esplanade, l'espace profane et extérieur des dévots, avec l'espace intérieur vide et vaste du dalai lama, à celles qu'on trouvait auparavant sur les foirails. Mais bien entendu, comme vous, je n'ai vu aucune longe visible nouée sur l'esplanade des bénédictions retenir ceux qui, sagement agenouillés, attendaient leur maître.


Et puis il y a surtout la nouvelle berline japonaise qui conduit sa sainteté, dans Dharamsala, et que nous montre le reportage. Bien brillante et métallisée, couleur claire, peut-être sable ou coquille d'oeuf, très tendance. Sur le fond de pauvreté de la ville, où certains de ses compatriotes en exil n'ont même pas de quoi de payer un vélo d'occasion, le contraste est rassurant. Tout va bien dans le petit Tibet, puisque sa sainteté roule en Toyota ou en Lexus, comme les cadres supérieurs assez cool de Californie ! Et puis on a beau avoir renoncé au monde par les voeux de moine, s'être détaché de tout grâce à l'état de bouddha vivant, c'est quand même plus agréable que la deux deuche de l'abbé Pierre !


Le documentaire sur la roue du temps qui a suivi nous apprend que 500 000 avaient répondu présents à Bodhgaya pour ce Kalachakra qui n'eut pas lieu, finalement. Les images récentes des documentaires étaient également intéressantes, avec un montage assez court permettant de renouveler en permanence l'intérêt visuel à l'écran.


Les foules de fidèles sont filmées de l'intérieur et de très près, et on a l'impression parfois saisissante d'être au coeur de l'action, comme dans la scène où les adeptes se précipitent sur les friandises qui leurs sont jetées par les moines lors de la semaine de Kalachakra à Bodhgaya.

 
L'un d'entre eux, qui a été interviewé au début du docu-fiction, venait d'effectuer 3000 kms en se prosternant de tout son long sur le chemin. Il semblait en effet très serein, superbement paisible, peut-être un peu comme ces joggers et ces coureurs de fond qui apprennent à leur corps à sécréter des endorphines qui les font oublier, voire effacer la douleur, et se sentir "high".

 


Le charme du Kundun a-t-il opéré lors de ce Thema anniversaire ?

On peut s’interroger sur le choix éditorial de la chaîne Arte pour son Thema anniversaire. Il manque en effet à ce reportage anniversaire bienveillant sur le dalaï lama en forme de chromo et d’hagiographie, une contrepartie plus argumentée et moins émotionnelle. C'est-à-dire un autre reportage faisant état d’autres voix, d’autres regards sur les questions abordées aurait été bienvenu après la vitrine très public relations du dalaï lama et de ses people aussi attitrés qu’élégants. Arte aurait-il fait un reportage aussi enthousiaste et unanimiste sur le pape Jean Paul II ? Il semble que l’effet « media darling » [sic] (le chéri des médias) du dalaï lama ait joué.


Non que le reportage présenté soit inexact, mais il est incomplet. Il manque par exemple la voix de ces jeunes Tibétains peut-être pas tous d’accord avec la politique de « Kundun ».
Il suffit de se rendre sur les forums et les pages d'opinions de
www.phayul.com/ pour découvrir que le consensus n’existe pas toujours autour de sa sainteté et que de nombreux points méritent d'être débattus. On y lit par exemple que pour certains en exil le système parlementaire à Dharamsala ressemble plus à une "farce" (sic) qu'à une véritable représentativité. On y découvre les reproches que les milieux laïcs font à l'encontre d'un système de représentation en exil qui a favorisé les religieux et leur système peut-être "malthusien".


Et il y a l’évidence : le dalaï lama en dépit de son habileté, de ses paroles de bon sens amicales et de son humour n’a su apporter que peu de réponses effectives aux problème sociaux de tout un peuple. Qu’il le reconnaisse est bien, mais ne peut suffire à lui valoir un total satisfecit. Le lamaïsme qu’il incarne n'était-il pas un système de caste à sa manière qui avait quelque peu étouffé le Tibet d'avant la présence chinoise ? Affamé et misérable, dépossédé des terres et des ressources, le peuple était selon de fréquentes observations soumis à un joug invisible, maintenu peut-être dans l'ignorance, celle de dogmes qui permettaient de l'appauvrir au nom de la compassion et de la sagesse, et d'enrichir toujours plus une élite dont le souci principal était, lit-on souvent sa reproduction et son maintien.


La conquête chinoise dont les excès ont été clairement montrés dans le documentaire a eu paradoxalement comme mérite (ceci n'excuse pas cela, soyons francs) celui de redistribuer les cartes et de permettre aux plus humbles qui n'avaient aucune chance sous le système lamaïste pluriel que d'en être les serfs et les porte-faix d'envisager l'avenir pour leurs enfants avec plus d'optimisme que pour leur génération.


Ce sont des lamas, parmi les nantis d'un système historiquement déchu, qui arrivés en exil ont pu communiquer leur vision du Tibet. En revanche, les paroles populaires n'ont guère été entendues semble-t-il, faute de voix, et d’oreilles pour les écouter.

 

Quant à l'endoctrinement, il existait peut-être avant la présence chinoise, il s'agissait d'un conditionnement religieux bien plus insidieux, où l'on "enlevait" (noter le guillemet) des enfants très jeunes à leurs parents pour en faire des moines qui serviraient à leur tour la classe dirigeante des lamas.


Ayant fusionné les sphères du culturel, du législatif et de l’exécutif la classe que représente certainement le dalaï lama avait concentré tous les pouvoirs. Les gardait-elle jalousement, asseyant sa prospérité et sa sécurité sur le labeur, la misère et l’analphabétisme d'un peuple maintenu en dépendance, voir parfois en servitude ? Chacun répondra à sa façon...
Que cette servitude fût volontaire n'est pas le moindre des paradoxes, et méritait au moins une étude objective de voix dissidentes.

 

De nombreux rebelles tibétains se sont faits torturer et "trouer la peau" pour défendre l'idée d'une indépendance du Tibet. Le dalaï lama pendant ce temps organisait de magnifiques colloques avec documents sur papier glacé, et dissertait admirablement sur la non violence, bien tranquille, à Dharamsala.

 

Comme nous le dit avec nuance Tenzin, un jeune Tibétain dans un article en ligne sur Phayul.com : There are only few takers among the youngsters when it comes to "rinpoches" and their big mansions, foreign trips, rich lives sodden with controversies.
[« Peu de jeunes Tibétains sont preneurs quand on leur parle de "rinpochés" (célèbres lamas) avec leurs grandes villas, leurs voyages à l'étranger, leurs vies opulentes et pleines de controverses. »]


Nous invitons les spectateurs qui voudraient approfondir après ce Thema à lire l'enquête contradictoire de 800 pages de Victor et Victoria Trimondi intitulée the shadow of the dalai lama (en anglais, en allemand, plusieurs chapitres traduits en français) sur leur portail :
http://www.trimondi.de/ On y lira ce que Thema ne nous a pas montré. Et chacun se fera alors sa propre idée en meilleure connaissance de cause.


SUR L’AUTEUR

Marc Bosche naît en Corrèze en 1959. Diplômé de l’Essec, il passe une licence de psychologie (Paris Sorbonne-René Descartes). Alumnus de la Rotary Foundation International, il décroche un Master degree à Bowling Green State University (Ohio, U.S.A.), puis obtient un diplôme d’étude approfondie en sociologie des organisations (Paris Dauphine).


Ses thèmes de recherche sont alors les paradoxes de l’action. Ses premiers articles académiques, publiés dès 1984, portent sur la culture sociale des organisations. En 1985, il est volontaire au service national actif, attaché adjoint à l’ambassade de France à Séoul.


Il observe que les résidents français perçoivent les usages et les valeurs de ce peuple d’Extrême-Orient d’une manière différente des Coréens eux-mêmes. Les préjugés occidentaux " parlent " tout autant de ceux qui les affirment, que de cet autre que leurs représentations prétendent définir. Au cours de voyages fréquents en l’Asie de l’est, il étudie cette question des stéréotypes culturels projetés vers d’autres nationalités, et poursuit cette recherche par sa thèse de doctorat (Paris Dauphine).


L’auteur est pendant neuf ans professeur chercheur à l’Essec. Il devient responsable du département sciences humaines de cette grande école. L’université Keio l’invite à Tokyo pour y enseigner l’interculturalité comme Visiting Associate Professor.


Il dirige Le management interculturel chez Nathan Université, qui reçoit le prix ComEx du meilleur ouvrage sur ce thème. Il publie dans l’encyclopédie Vuibert, dans les revues Harvard L’Expansion et Interculture, ainsi que dans Le Monde Diplomatique...

 

Entre-temps, fin 1988, il a rencontré un lama, vivant en Europe, qui a consacré plus de vingt années à la méditation dans les ermitages du Tibet, avant la présence chinoise. C’est l’un des tout derniers moines, en exil, de cette génération éduquée à l’ancienne, formée et mûrie dans le berceau traditionnel du Pays des Neiges.

 

L’auteur étudie auprès de celui-ci les bases anthropologiques de son système culturel, et adopte pour un an la vie de moine novice dans la lamaserie dont le vieil homme assure la direction spirituelle. En 1995 il est l’un de ses secrétaires. Il répond pour lui à la correspondance épistolaire avec des disciples occidentaux. Il assure une édition littéraire des transcriptions de ses enseignements publics pour ses deux derniers livres.

 

Le rinpoché s’éteint le 31 octobre 1997 à l’âge de quatre-vingts ans. L’anthropologue recouvre sa liberté. Il publie le récit de cette expérience avec Le Voyage de la 5ème Saison, puis un premier roman, Nirvana. L’essai Gouttes de Rosée aux jardins du Lotus, l’inversion de l’utopie constitue le troisième volet de ce triptyque.


 

L’ombre du Dalaï Lama – Critique du livre par Marc Bosche

 

Hitler, Buddha, Krishna – Critique du livre par Marc Bosche

 

Hommage à Marc Bosche – Articles concernant le Kalachakra Tantra et le Dalaï Lama

 

Marc Bosche – Néo bouddhisme – Quand le bouddha ne sourit plus (PdF)